le nouveaucode de procédure civile et administrative : les avatars de l'article 8
LE NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE ET ADMINISTRATIVE : LES AVATARS DE L’ARTICLE 8
Par Mohamed BRAHIMI
Avocat
Depuis l’entrée en vigueur du nouveau code de procédure civile et administrative le 25 avril 2009, des professionnels du droit ont chacun à sa manière porté un jugement tantôt mitigé tantôt carrément négatif sur les nouvelles dispositions de ce code. Le quotidien El Watan , au vu des critiques émises par d’éminents juristes dans plusieurs contributions récemment publiées a même titré une de ses rubriques consacrée à ce nouveau code « Indignation des avocats et colère des justiciables ».
Ayant été approché par mon éditeur à l’effet d’autoriser une nouvelle édition d’un de mes ouvrages traitant de la procédure civile et cette demande ayant coïncidé avec la promulgation du nouveau code de procédure civile et administrative , j’ai dù me pencher en conséquence sur les dispositions de ce nouveau dispositif pour présenter une nouvelle édition revue et remaniée de mon ouvrage à la lumière du nouveau code.
Avant de revenir aux dispositions du nouveau code de procédure civile et administrative et notamment le fameux article 8 alinéa 2 qui a créé et à juste titre d’ailleurs une profonde polémique , il faut reconnaître en toute objectivité que ce nouveau code , pris dans sa
globalité , n’est pas aussi négatif que ne le laisse penser les diverses opinions émises ici et là. Il est indéniable qu’à l’inverse de l’ancien code de procédure civile, le nouveau code a harmonisé et clarifié des procédures et des notions qui posaient des problèmes d’application et d’interprétation forts complexes qui ont en conséquence généré une jurisprudence contradictoire .
La différence entre l’ancien et le nouveau code ne réside pas seulement dans le nombre d’articles que contient chacun d’eux ( 1065 pour l’actuel et 479 pour l’ancien) , mais tient surtout dans le contenu des nouvelles dispositions qui sont plus claires , plus explicites et plus à même de garantir des instances judicaires sans incidents majeurs et donc qui aboutissent au jugement des affaires dans des délais raisonnables .
Contrairement à l’ancien code de procédure civile qui était archaique,désuet,désarticulé et complètement dépassé , les rédacteurs du nouveau code ont essayé d’élaborer un code utilisant un langage judicaire simple et compréhensible pour le commun des justiciables tout en proposant une présentation matérielle qui a aboutit à un plan intelligent et harmonieux .Ce plan divisé en cinq parties distinctes mais qui se complètent débute par les dispositions communes à toutes les juridictions (livre 1), les dispositions particulières à chaque juridiction (livre 2),l’exécution forcée des titres exécutoires (livre 3),la procédure devant les juridictions administrative (livre 4) et enfin les modes alternatifs de règlement des litiges (livre 5).
Le souci des rédacteurs du NCPCA de rajeunir, de simplifier, de clarifier et de rénover la procédure civile qui était auparavant une procédure lourde et mal pensée apparaît clairement au niveau de l’unification des dispositions qui sont applicables devant toutes les juridictions de l’ordre judiciaire.
L’interdiction de l’appel contre les jugements avant dire droit qui aura pour conséquence de désengorger les cours d’appel et de rétrécir la durée de l’instance, le relèvement du taux du premier et dernier ressort de 2000 dinars à 200 000 dinars ce qui permet d’une part d’obtenir désormais un jugement non susceptible d’appel donc exécutoire si la valeur du litige n’excède pas le dernier montant et d’autre part et là aussi d’alléger le rôle des cours d’appel , la possibilité de couvrir la nullité en la forme des actes de procédure et le principe que cette nullité ne peut être invoquée que par la partie au profit de laquelle elle a été établie ce qui évitera le recours aux moyens malicieux et dilatoires pour retarder ou suspendre le cours de l’instance, la simplification et la clarification des procédures de vérification d’écriture et de l’inscription de faux , l’interdiction de certains recours parallèles ,les nouveaux pouvoirs du juge des référés en matière d’injonction de payer , l’extension des pouvoirs des juges présidant les différentes sections du tribunal en matière de référés et d’ordonnances sur requete,le pouvoir désormais reconnu aux juridictions administratives de recourir à l’astreinte pour garantir l’exécution de leurs décisions , participent à coté d’autres procédures innovantes insérées dans le nouveau code de ce souci de garantir un procès purgé d’incidents , équitable et qui doit aboutir à un jugement dans des délais raisonnables.
L’instauration ou l’extension des modes alternatifs de règlement des litiges en l’occurrence la conciliation, la médiation et l’arbitrage constituent un outil et un dispositif qui insuffle au droit judicaire algérien un nouvel élan qualitatif en adéquation avec le nouvel environnement tant national qu’international.
Rejeter le nouveau code de procédure civile et administrative dans sa globalité au motif qu’il instaure un dispositif complexe, onéreux et préjudiciable au justiciable n’est pas sérieux et ce pour la simple raison que ce texte n’a en réalité rien modifié de fondamental au système procédural déjà en place mais n’a fait que clarifier , simplifier ou compléter certaines procédures qui existaient déjà dans l’ancien code de procédure civile.
Il est indéniable aussi que cette réforme du code de procédure civile tant attendue a été effectivement gâchée par quelques dispositions malencontreuses dont notamment le fameux article 8 aliéna 2 du NCPC.
Passons rapidement sur une autre disposition de ce code qui a fait réagir la corporation des avocats en l’occurrence l’article 602 qui stipule que la grosse du jugement c'est-à-dire la copie exécutoire n’est remise qu’au bénéficiaire en personne ou à la personne mandatée par une procuration spéciale. Cette disposition qui laisse place à diverses interprétations a été comprise par les responsables des juridictions comme étant applicable aux avocats qui devraient eux aussi désormais exhiber à cet effet une procuration spécial de leurs clients en bonne et due forme . Aussi un vent de panique a soufflé dans les prétoires des tribunaux lorsque des confrères se sont vus signifiés un refus catégorique à leur demande de délivrance de la grosse de leurs clients.
En réalité cette disposition qui était superfétatoire , et dont on aurait pu faire l’économie de son insertion dans le NCPC puisque le code civile la prévoit dans le chapitre relatif au mandat, ne s’applique pas à l’avocat. Son extension à ce dernier n’est dùe qu’a une interprétation erronée de l’article 602 car celui-ci ne vise en réalité que le mandataire au sens commun du terme c'est-à-dire la personne désignée par le justiciable pour se faire délivrer la grosse .Quant à l’avocat, la nature du mandat qui le lie à son client est un mandat « ad litem » qui le dispense de présenter procuration.
La nature de ce mandat spécial dont bénéficie l’avocat est expressément prévu par la loi du 8 janvier 1991 portant organisation de la profession d’avocat ainsi que par le règlement intérieur de la profession .L’article 4 de cette loi non seulement autorise l’avocat à se faire délivrer les grosses de ses clients mais aussi ce qui est éminemment plus grave de conséquence qu’une simple remise de grosse , exercer toutes les voies de recours contre le jugement rendu ou mieux encore faire au nom de son client tout acte comportant l’abandon ou la reconnaissance d’un droit.
Après quelques péripéties malencontreuses, et ayant surement pris conscience de la mauvaise interprétation donnée à l’article 602, les chefs de juridictions sont revenues à de meilleurs sentiments en restituant à cet article sa juste interprétation et ce au grand soulagement des avocats et de leurs clients.
Revenons maintenant au fameux article 8 alinéa 2du NCPCA qui impose aux parties à l’instance à ne présenter à l’appui de leurs prétentions que des documents rédigés en langue arabe ou accompagnés d’une traduction officielle.
La polémique somme toute légitime suscitée par cette disposition insolite du point de vue du droit eu égard à la spécificité de l’Algérie comme nous le verrons plus loin me rappelle étrangement cette autre polémique qui a vu le jour lors de la promulgation de l’ancien code de procédure civil en 1966 et qui a concerné l’article 7 de ce code. Cet article 7 a lui aussi fait réagir des professionnels du droit dont notamment l’ancien professeur émérite de droit administratif à la faculté de droit d’Alger, Ahmed Mahiou , qui a abordé la problématique de cet article décousu dans son ouvrage sur le contentieux administratif sous le titre « les avatars de l’article 7 du code de procédure civile » , le titre que j’ai repris à mon compte pour cette contribution .
La rédaction primitive de l’article 7 de l’ancien code de procédure civile promulgué par ordonnance du 6 juin 1966 et qui donnait la définition du litige administratif était entachée d’une erreur ayant entrainé l’omission de deux alinéas. Deux mois plus tard cet article a été complété par un rectificatif publié au journal officiel du 26 juillet 1966 qui lui a ajouté les deux autres alinéas omis mais un second rectificatif publié au journal officiel du 16 aout 1966 a supprimé le premier alinéa du premier rectificatif ce qui a fait réagir d’éminents juristes dont notamment le professeur Ahmed Mahiou qui ont suspecté en fait une modification législative par une autorité non habilitée sous couvert de rectificatif.
Il est à espérer que l’article 8 du NCPCA ne connaitra pas les avatars et péripéties qu’a connu l’ancien article 7 mais le fait est là : cet article 8 pose et posera un véritable dilemme car l’abroger ou le modifier nécessitera le recours à la loi donc au législateur impliquant une intervention du pouvoir politique ce qui en cette matière sensible n’est pas évident . Son maintenir en l’état entrainera d’énormes dégâts non seulement pour la bourse du justiciable ou même du simple citoyen puisque le recours aux tribunaux n’implique pas nécessairement un procès , mais aussi pour la réussite de la réforme de la justice tant déclamée et dont le but ultime était d’abord d’assurer une justice sereine, simplifié , rapide , moderne et à la portée du citoyen.
Tout d’abord il est évident que la disposition de l’article 8 alinéa 2 du NCPCA qui oblige les parties à ne présenter devant le juge que des document rédigés en langue arabe ou accompagnés d’une traduction officielle est une disposition d’ordre public puisque le texte a utilisé l’expression « sous peine d’irrecevabilité » d’où la conséquence juridique que désormais tout document versé aux débats et rédigé en langue française , puisque c’est cette langue qui est visée , et non accompagné d’une traduction officielle en langue arabe doit être rejeté par le juge.
La disposition de l’article 8 étant d’ordre public, le rejet de tout document rédigé en langue française et non accompagné par une traduction officielle en langue arabe doit être prononcé d’office par le juge, l’expression « rejet d’office » signifiant que ce rejet est effectué même si les parties ne le demandent pas .Mieux, le moyen tiré de cette disposition peut être soulevé même pour la première fois devant la cour suprême ou le conseil d’Etat.
Aussi et devant la clarté de cet article 8, il est pour le moins étonnant que Monsieur Abdessalem Dib qui plus est a présidé la commission d’élaboration du NCPCV soutienne à propos de cette disposition lors d’une interview au quotidien El Watan que le magistrat saura apprécier les cas où il faut une traduction.
Aucun magistrat du pays quant bien même il le voudrait ne prendra la responsabilité morale et professionnelle d’appliquer la règle de l’article 8 autrement que par ce qu’elle édicte clairement c'est-à-dire rejeter systématiquement tout document rédigé en français ou dans une autre langue non accompagnée d’une traduction officielle en langue arabe. La solution préconisée par Monsieur Abdessalam Dib qui permettrait au juge d’apprécier les cas où il faut une traduction présuppose-t-elle que les magistrats seront instruits pour appliquer la règle de l’article 8 dans ce sens ? Ce serait là une atteinte gravissime à la loi et il serait fort étonnant que les juges accepteraient cette démarche.
Je ne m’attarderais pas sur les effets de l’article 8 sur la bourse des justiciable qui sont dans leur majorité des citoyens modestes et qui doivent supporter des frais de traduction forts onéreux hors de leur portée. D’ailleurs même l’Etat et ses démembrements vont pâtir de cette disposition puisque en tant que justiciables potentiels , ils doivent eux aussi dans les instances où ils sont parties produire les documents en conformité avec l’article 8. Je dirais même que c’est l’Etat , les institutions et entreprise publiques qui en seront les premières victimes surtout lorsqu’elles sont demanderesse et qu’elles doivent justifier du bien fondé de leurs actions en justice par des documents qui sont en majorité rédigés en langue française alors que leur traduction nécessiterait des frais et des dépenses qu’elles ne peuvent engager dans la limite des délais de l’instance judiciaire eu égard aux contraintes de la comptabilité publique .
Du point de vue du droit positif algérien , l’interdiction de présenter dans un procès des documents rédigés en français non accompagnés d’une traduction en arabe est sujet à discution.En l’absence d’une publication officielle des débats de l’Assemblée Populaire Nationale et du sénat , il est impossible de connaître « l’esprit du législateur » quand a été entamé la discussion du NCPCA au sein de ces deux assemblées et notamment quand s’est présenté la discution de l’article 8 .On ne connaîtra donc jamais les motifs et les considérations qui ont présidé à l’adoption de cet article et les observations ou critiques qui y ont été émises.
Imposer au juge et au justiciable l’interdiction de présenter des documents en langue française non accompagnés d’une traduction en langue arabe sous peine d’irrecevabilité revient de facto à considérer ces actes comme nuls et non avenus et comme n’ayant aucune légitimité juridique. Est-ce le cas ? A cette question cruciale il faudrait d’abord distinguer deux situations : la situation où les documents rédigés en français ont été élaborés après le 05 juillet 1998 et ceux intervenus après cette date. Pourquoi cette date ? Elle constitue l’échéance ultime fixé par la loi portant généralisation de l’utilisation de la langue arabe en l’occurrence l’ordonnance N° 91-05 du 16 janvier 1991 complétée et modifié et au-delà de laquelle tout document rédigé en une langue autre que la langue arabe est considéré comme nul et de nul effet.
Pour plus de précisions , il faut noter qu’avant la promulgation de l’ordonnance N° 91-05 du 16 janvier 1991, le droit algérien n’interdisait pas l’utilisation de la langue française dans la rédaction des actes y compris les actes de souveraineté ce qui en faisait une langue officielle de fait .Bien plus , durant la premières années de l’indépendance la totalité des actes émanant des administrations , institutions et entreprises nationales étaient rédigés en français. Les journaux officiels des premières années de l’indépendance étaient eux-mêmes publiés exclusivement en langue françaises sans traduction en langue arabe ce qui pose d’ailleurs un autre problème concernant le devenir de ces journaux officiels : faut-il les considérer comme nuls et non avenus s’ils sont produits sans traduction devant le juge pour exciper d’un texte législatif ou réglementaire à l’appui d’une action, ce qui serait insensé , ou faut-il les accepter comme étant en adéquation avec l’article 4 de code civil qui stipule que les lois promulguées sont exécutoires en Algérie à partir de leur publication au journal officiel ? Un vrai casse-tete pour le juge.
Les actes et documents rédigés donc avant la date butoir du 05 juillet 1998 à l’instar d’ailleurs de ceux intervenus avant l’indépendance ont une valeur juridique incontestable au même titre que les actes rédigés en langue arabe et de ce fait ils font foi en tant que tels sans qu’il soit besoin de les traduire. Décider par une simple disposition légale du contraire et décréter que ces documents sont désormais obsolètes et sans fondement juridique même si cette décision émane du pouvoir législatif souverain , c’est porter atteinte non seulement au principe de non rétroactivité des loi qui en l’espèce annihile un pan entier de l’histoire juridique et juridictionnel du pays et d’autre part n’inaugure rien de bon pour l’avenir du système judiciaire qu’on s’attelle à réformer.
Reste les documents et actes rédigés en français après la date butoir du 05 juillet 1998 fixée par l’ordonnance N° du 16 janvier 1991 complétée et modifiée. Cette ordonnance a elle aussi vécue ses propres avatars puisqu’elle a été amendée et modifiée à plusieurs reprises. Promulguée dans des circonstances particulières au cours de l’année 1991 , ce texte législatif a non seulement posé le principe de l’obligation de l’utilisation de la langue arabe dans tous les document officiels , les rapports et le procès-verbaux des administrations, institutions, entreprises et associations ( articles 5 et 6 ) et considère comme nul es non avenu tout document officiel rédigé en une langue autre que la langue arabe (article 29) , mais a assorti cette obligation d’ordre public de sanctions pénales et disciplinaires.
Eu égard aux difficultés d’application immédiate de cette ordonnance, une disposition spéciale y a été insérée et prévoit le report de son entrée en vigueur au 5 juillet 1992. A l’expiration de cette échéance et au vu des réticences des divers acteurs concernés par cette ordonnance , le délai fixé au 05 juillet 1992 a été une nouvelle fois prorogé non pas à une date fixe mais « jusqu’à réunion des conditions nécessaires » et ce par le décret législatif N° 92-02 du 04 juillet 1992, autant dire que ce décret a de fait gelé jusqu’à nouvel ordre l’application de l’ordonnance du 16 janvier 1991.
Les choses sont restées en l’état jusqu’en 1996 date de promulgation de l’ordonnance N° 96-30 du 21 décembre 1996 modifiant et complétant l’ordonnance du 16 janvier 1991 .Cette nouvelle ordonnance a d’une part abrogé le décret législatif du 04 juillet 1992 qui a gelé l’application de l’ordonnance du 16 janvier 1991 et d’autre part a posé le principe du parachèvement de la généralisation de l’utilisation de la langue arabe dans un délai n’excédant pas la 05 juillet 1998.
L’ordonnance du 21 décembre 1996 étant toujours en vigueur, et à compter du 05 juillet 1998 donc , tous les actes et documents quel qu’en soit son auteur, personne physique ou morale, privée ou publique, doivent être sous peine de nullité absolue et de sanction pénales et disciplinaires être rédigés en langue arabe.
L’article 8 du NCPCA peut être considéré dans cette optique mais seulement pour les documents rédigés après le 05 juillet 1998 comme étant en adéquation avec l’ordonnance du 16 janvier 1991 en ce qu’il ne fait que reprendre les dispositions de celle-ci. Mais cet article est-il intrinsèquement justifié et pouvait-on procéder autrement pour éviter les désagréments forts dommageables induits par ce texte inopportun tout en restant dans un cadre légal ?
Si la loi est souveraine et le législateur libre de légiférer à sa guise dans le seul respect de la constitution , il est aussi vrai que tout acte législatif doit avant tout répondre aux besoins spécifiques de la société dont il est l’émanation .L’acte législatif ne peut et ne doit tendre , sauf nécessité impérieuse ,à être un acte à contre courant des éléments constitutifs de la société et son élaboration doit répondre à un besoin réel et non virtuel et à défaut cet acte sera soit superbement ignoré et inapplicable soit dans le cas où son application est imposé par la contrainte être la cause d’énormes dégâts comme a été le cas de nombreuse autres lois qu’il n’ya pas lieu d’évoquer ici.
Le principe de l’arabisation au pas de charge qu’a remis en selle d’une manière insidieuse l’article 8 sans prise en compte des spécificités de la société algérienne ne pouvait qu’échouer ou à la limite déboucher sur des résultats mitigés sinon catastrophiques. Bien que la loi impose l’utilisation de la langue arabe sous peine de sanctions pénales et disciplinaire et ce depuis 1998, pas une seule poursuite n’a été à ce jour engagée contre les contrevenants à cette loi et Dieu sait le nombre de responsables de tous bords qui dissertent publiquement en langue française ou qui apposent leur signature sur des actes et documents rédigés en cette langue.
Cette impunité en rapport avec la violation de la loi sur l’arabisation renseigne en fait sur l’impossibilité d’imposer par la loi des obligations que la société n’est pas prête à appliquer ou à assimiler. Imaginons un seul instant que le ministère public censé faire respecter la loi décide subitement de poursuivre et de réprimer tout auteur d’un discours public ou d’un document rédigé en français, il est à parier qu’il ne restera pas grand monde parmi nos responsables qui ne seraient pas concernés par ces poursuites.
L’article 8 du NCPCA est d’autant plus mal venu qu’il est inséré dans un code censé ne contenir que les règles de la procédure c'est-à-dire les formalités par lesquelles un justiciable soumet un litige au tribunal. Le nouveau code étant censé aux dires de ses rédacteurs clarifier et simplifier le déroulement de l’instance judiciaire, ces derniers auraient pu faire l’économie d’y insérer une telle disposition et laisser à ceux qui ont mission de faire appliquer la loi sur l’arabisation de veiller et mener à terme ce processus sachant que cette mission est dévolue au conseil supérieur de la langue arabe créé par le décret du 11 juillet 1998.
Si le maintien de l’article 8 en l’état n’est pas souhaitable pour une bonne administration de la justice, et la jurisprudence ne pouvant être d’aucun secours pour en atténuer les effets pervers en raison de la clarté de la disposition en cause, la solution à ce dilemme ne peut être envisagée qu’en termes d’abrogation ou de modification mais en tout état de cause la solution doit transiter par le canal législatif.
Il peut être procédé soit à la suppression pure et simple de la disposition en cause c'est-à-dire l’alinéa 2 de l’article 8 soit recourir à l’ ajout d’ un autre alinéa à cet article qui reconnaîtra au juge un pouvoir d’appréciation quant à l’acceptation de documents rédigés en français sans exiger leur traduction .Ce pouvoir d’appréciation reconnu au juge en la matière permettra de contourner le problème sans pour autant porter atteinte au principe général posé par le texte de base.
Cette dernière solution qui autoriserait le juge sous sa seule autorité et son intime conviction à accepter les documents originaux rédigés en français sans être accompagné d’une traduction en langue arabe est plus à même de garantir des instances judicaires dégagés des incidents que générerait sans aucun doute l’application de l’actuel article 8.
Cette solution serait d’ailleurs en conformité avec d’autres disposition du NCPCA à l’instar de l’article 21 qui impose aux parties la production de documents en forme de minutes ou de copies conformes à l’original c'est-à-dire authentifié et qui néanmoins dans un autre alinéa autorise le juge à en accepter de simples copies. Cette disposition qu’il est utile de rapprocher à contrario avec l’article 8 est fort utile sachant que, pour les actes anciens, rares sont les justiciables qui en possèdent des copies authentifiées, la majorité n’étant en possession que de simples copies ou photocopies.
Espérons enfin que les nombreuses critiques pertinentes qui ont été émises ça et là à l’encontre de la règle édictée par l’article 8 du NCPCA et la vive polémique qu’elle a suscitée soient pris en considération par qui de droit et qu’une solution soit rapidement trouvée à l’impasse créée par cette disposition controversée .
Maitre Mohamed BRAHIMI
article publié dans le quotidien El-Watan du 11 juillet 2009
Date de dernière mise à jour : 18/06/2016