Depuis la promulgation de l'ordonnance n° 70-90 du 15 décembre 1970 portant organisation du notariat et beaucoup plus depuis la promulgation de l’ordonnance n° 75-58 du 29 septembre 1975 portant du code civil , le transfert de propriété d’un bien ou d’un droit immobilier ne peut intervenir qu’en vertu d’un acte notarié enregistré et publié à la conservation foncière .Tout acte translatif de propriété dressé en violation de cette rège est frappé de nullité absolue. La jurisprudence de la Cour suprême est constante sur cette question ( Cour suprême , chambre civile , 07/07/1982 , dossier n° 25699, Bulletin des magistrats , année 1982 , n° spécial , page 171 ; Cour suprême , chambre foncière , 11/02/2016 , dossier n° 967151, Revue de la Cour suprême, année 2016, n° 1 , page 70 ).
Quid des actes portant mutation d’immeubles ou de droits immobilier dressés avant le 15 décembre 1970 ? sont-ils frappés de nullité s’ils ont été dressés sous signature privée ou dressés par les autorités publiques des anciennes mahakmas ?Les actes dressés avant l’indépendance étaient régis par la législation française et cette législation a été reconduite après l’indépendance jusqu’à nouvel ordre sauf dans ses disposition contraires à la souveraineté nationale et ce en application de la loi n° 62-157 du 31 décembre 1962.
la position des juridictions inférieures nationales sur la question de la valeur juridique de ces actes quand ils sont excipés dans des actions immobilière ou foncières introduites après le 15 décembre 1970 était hésitante et contradictoire . Certaines juridictions refusaient de reconnaitre à de tels actes une force probante et les rejetaient au motif que leurs détenteurs aurait dû actualiser ces actes pour les rendre conformes à la nouvelle législation et à la nouvelle situation des immeubles concernés. Par contre d’autres juridictions acceptaient ces actes au motif qu’au moment de leur rédaction, ils étaient conforme à la loi qui leur était alors applicable et qu’en tout état de cause la nouvelle législation nationale (l’ordonnance n° 70-90 du 15 décembre 1970 portant organisation du notariat et l’ordonnance n° 75-58 du 29 septembre 1975 portant du code civil ) qui assujettit les actes de mutation immobilière à la forme authentique n’a pas d’effet rétroactif . Il a fallu l’intervention de la Cour suprême pour stabiliser la jurisprudence sur cette question.
Désormais à la lumière de la jurisprudence constante aussi bien de Cour suprême que du Conseil d’Etat , les actes portant mutation d’immeubles ou de droits immobiliers dressés avant le 15 décembre 1970 y compris ceux dressés avant l’indépendance devant le Cadi-juge- notaire , le Bach-Adel des anciennes mahakmas judiciaires ou encore devant des notaires de plein exercice sont des actes ayant valeur d’actes officiels et constituent une preuve suffisante en matière immobilière.
Ainsi la cour suprême a jugé que l’acte portant mutation d’un immeuble daté du 24 février 1942 a été dressé par un cadi- juge-notaire de la mahakma de Kherrata et qu’il est de sa jurisprudence constante que les actes dressés par les cadis-juges- notaires des mahakmas sont des actes officiels ( Cour suprême , chambre foncière , 25/02/2004, dossier n° 264528, Revue judiciaire ,année 2004, n° 1,p.235) , que ces actes acquiert le caractère d’actes officiels établis par des agents publics ( Cour suprême ,chambre administrative , 03/06/1989 , dossier n° 40097, Revue judiciaire ,année 1992, n° 1,p.119), et qu’ayant été dressés par un cadi-juge-notaire , l’acte de saisie du 16 avril 1943 portant transfert de propriété du terrain acquiert le caractère d’acte officiel ( Cour suprême ,chambre foncière ,17/12/2008, dossier n° 487496, Revue de la Cour suprême ,année 2008, n° 2,p.285.).
Concernant les actes sous seing privés translatifs de la propriété immobilière dressés avant l’indépendance et avant le promulgation de l’ordonnance n° 70-90 du 15 décembre 1970 portant organisation du notariat , ils ont une valeur juridique , font foi et acquièrent force probante quant bien même ils n’ont pas été enregistrés. C’est ce qu’a jugé la Cour suprême à propos de ventes immobilières intervenues en 1959 , 1963 et 1968 et ce au motif qu’à ces dates la législation en vigueur autorisait la vente d’immeubles par acte sous seing privé et qu’en tout état de cause ces actes se suffisent à eux-mêmes et ne requièrent ni enregistrement ni publication ( Cour suprême , chambre foncière , 09/06/1982, dossier n° 24573, Bulletin des magistrats année 1982, n° spécial ,p.147 ; Cour suprême , chambre foncière , 14/04/20, dossier n° 614074 , Revue de la Cour suprême, année 2012, n° 1,p.163. ). Par contre les actes sous seing privés dressés après le 15 décembre 1970 et portant mutation d’immeubles ou de droits immobiliers sont des actes frappés de nullité absolue ( Cour suprême, chambre civile , 07/07/1982, dossier n° 25699 , Revue des magistrats , année 1982, n° spécial ,p.171; Cour suprême , chambre foncière , 19/03/2003 ,dossier n° 246799 , Revue judiciaire ,année 2004, n° 1,p.209 ).
Si donc les anciens actes dressés avant l’indépendance portant mutation d’un immeuble ou d’un droit immobilier conservent toujours leur valeur juridique et leur force probante devant les tribunaux , et par conséquent ils peuvent être excipés devant les juges si la propriété des détenteurs de ces actes est remise en cause par un tiers , il n’en demeure pas moins qu’il est préférable d’actualiser ces actes afin qu’ils acquièrent force probante absolue .A cette fin , ces actes peuvent constituer un socle suffisant pour requérir l’ouverture d’une enquête foncière en vue de la délivrance d’un titre de propriété par les services de la conservation foncière dans le cadre de la loi n° 07-02 du 27 février 2007 portant institution d'une procédure de constatation du droit de propriété immobilière et de délivrance de titres de propriété par voie d'enquête foncière si l’immeuble est situé dans une région non encore cadastrée , ou s’il s’agit d’un immeuble déjà soumis aux opérations du cadastre il faudrait requérir son immatriculation et la délivrance du livret foncier dans le cadre de l'ordonnance n° 75-74 du 12 novembre 1975 portant établissement du cadastre général et institution du livre foncier .
BRAHIMI Mohamed
Avocat à la cour de Bouira
brahimimohamed54@gmail.com