Le président de l’Assemblée Populaire Nationale sollicitait plus exactement l’interprétation de cet article 127 de la Constitution notamment dans le cas d’une condamnation par jugement définitif à une peine de prison ferme, ainsi que l’illustration de l’application des articles 73 et 74 du règlement intérieur de l’Assemblée Populaire Nationale qui déterminent les procédures à suivre quant à la déchéance du mandat .
L’article 73 du règlement intérieur de l’Assemblée Populaire Nationale énonce que le bureau de l’Assemblée Populaire Nationale, sur avis du ministre de la justice, garde des sceaux, déclenche la procédure de la déchéance du mandat d’un député à travers la transmission de la demande de déchéance à la commission chargée des affaires juridiques ; la commission examine la demande de déchéance du mandat et entend le député concerné. Lorsqu’elle conclut à l’acceptation de la demande, elle transmet l’affaire à l’Assemblée Populaire Nationale pour statuer par voie de scrutin secret à la majorité de ses membres à huis clos après audition du rapport de la commission et du député concerné qui peut se faire assister par un de ses collègues.
Quant à l’article 74 du même règlement intérieur , il évoque la possibilité de révocation du mandat d’un des membres de l’Assemblée Populaire Nationale lorsqu’un jugement définitif est rendu à son encontre le condamnant pour avoir accompli un acte indigne de son mandat, et ce, sur proposition du bureau agissant à la requête de l’instance judiciaire compétente.
En évoquant la responsabilité du député devant ses collègues lorsque ce dernier ne respecte pas les règles lors de l’exercice de son mandat en accomplissant un acte indigne de son mandat telle que le prévoit le constituant, la Cour constitutionnelle a eu à discuter incidemment les cas ou le député ( ou le sénateur) commet une infraction pénale et fait l’objet de poursuites judiciaires et leurs effets sur son immunité parlementaire.
Ce sont articles 129 ,130 et 131 de la Constitution qui organisent le procédure de levée de l’immunité du député ( ou du sénateur) en cas de poursuites pénales pour crime ou délit :
Art. 129. — Le membre du Parlement jouit de l’immunité pour les actes rattachés à l’exercice de sa fonction telle que prévue par la Constitution.
Art. 130. — Le membre du Parlement peut faire l’objet de poursuites judiciaires pour les actes ne se rattachant pas à l’exercice de ses fonctions parlementaires après renonciation expresse de l’intéressé à son immunité. En cas de non renonciation, les autorités de saisine peuvent saisir la Cour constitutionnelle aux fins de se prononcer, par décision, sur la possibilité ou pas de la levée de l’immunité.
Art. 131. — En cas de flagrant délit ou de crime flagrant, il peut être procédé à l’arrestation du député ou du membre du Conseil de la Nation. Le bureau de l’Assemblée Populaire Nationale ou du Conseil de la Nation, selon le cas, en est immédiatement informé. Il peut être demandé par le bureau saisi, la suspension des poursuites et la mise en liberté du député ou du membre du Conseil de la Nation. Il sera alors procédé conformément aux dispositions de l’article 130 ci-dessus.
Pour le Conseil constitutionnel , si la levée de l’immunité du député qui a commis un crime ou un délit et qui fait l’objet de poursuites pénales va de soi, il revient en tout état de cause au bureau de l’Assemblée Populaire Nationale, au cas où le député refuse de renoncer de plein gré à son immunité , d’apprécier le caractère sérieux de la demande du ministère de la justice de la levée cette immunité , et cette demande ne peut aboutir que si l’existence de certains principes fondamentaux est établie, à savoir le respect de la présomption d’innocence en toutes circonstances, le respect du principe de la séparation des pouvoirs, et enfin la prudence afin d’éviter la divulgation du secret de l’instruction. Il s’agit ici de la levée de l’immunité du député à l’effet d’autoriser le ministère public d’engager des poursuites pénales et éventuellement l’arrestation du député ou la prise de toute autre mesure coercitive .Mai si le député objet des poursuites pénales est laissé en liberté , il conservera son immunité jusqu’au prononce du jugement de condamnation .En cas de condamnation définitive , le mandat du député peut être révoqué et ce conformément à l’article 127 de la Constitution du moment que les actes pour lesquels est survenu cette condamnation constituent des acte indignes au sens de cet article.
Pour le Conseil constitutionnel , en matière de poursuites pénales , si l’inviolation de la personne du député a pour objet l’interdiction de l’arrestation ou la prise de toute mesure qui pourrait porter atteinte à sa liberté ou à sa restriction , sauf si le bureau de la chambre à laquelle il appartient l’autorise, il en est autrement en cas de flagrant délit ou crime . Dans cette hypothèse , l’autorisation de l’Assemblée Populaire Nationale pour la levée de l’immunité du député impliqué pour le poursuivre n’est pas requise ,et ce dernier peut faire l’objet d’arrestation et de poursuites dans les mêmes conditions générales que n’importe quel citoyen.Il en est de même si un jugement de condamnation à une peine d’emprisonnement ferme a été rendue à l’encontre du député. Il existe toutefois une formalité prévue par la Constitution qui peut faire échec à l’incarcération d’un député même s‘il a commis un crime ou délit flagrant. Sur les modalités de poursuites d’un député en cas de flagrance , le Conseil constitutionnel a émis l’avis qu’en cas de flagrant délit ou de crime flagrant, le député peut faire l’objet d’arrestation mais seulement après la saisine immédiate du bureau de l’Assemblée Populaire Nationale et que par ailleurs le bureau de cette Assemblée peut demander la suspension des poursuites et la mise en liberté du député et ce en vertu de 130 et l’article 131 de la Constitution.
Les dispositions des articles de la Constitution et du règlement intérieur de l’Assemblée Populaire Nationale susmentionnées ayant défini avec précision les modalités de révocation du mandat du député ou de son exclusion , la Conseil constitutionnel a émis l’avis en vertu duquel l’article 127 de la Constitution ne présente aucune ambiguïté et donc qu’il n’y a pas lieu à son interprétation.
BRAHIMI Mohamed
Avocat à la cour de Bouira
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