C’est pour résorber un tant soit peu ce désastre urbanistique qu’une loi votée en 2008 a autorisé la régularisation de ces constructions inachevées ou non conformes.Il s’agit de la loi n° 08-15 du 20 juillet 2008 fixant les règles de mise en conformité des constructions et leur achèvement. Cette loi autorise la mise en conformité aussi bien des constructions non achevées pourvues d’un permis de construire ,que les constructions non pourvues d’un permis de construire.Mais toutes les constructions ne sont pas éligibles à la mise en conformité .Ainsi en vertu de l’article 16 de cette loi,ne sont pas susceptibles de mise en conformité,les constructions édifiées sur des parcelles réservées aux servitudes et non constructibles, celles existant habituellement sur les sites et les zones protégées prévus dans la législation relative à l’expansion touristique, aux sites et monuments historiques et archéologiques et à la protection de l’environnement et du littoral, y compris les sites portuaires et aéroportuaires ainsi que les zones de servitude qui leur sont rattachées ,celles édifiées sur des terres agricoles ou à vocation agricole ou à vocation forestière, à l’exception de celles pouvant être intégrées dans l’environnement urbanistique,celles qui sont édifiées en violation des règles de sécurité ou qui affectent gravement leur environnement et l'aspect général du site ,et enfin celles qui ont pour effet de gêner ou de nuire à l'édification d'ouvrages d'intérêt public dont le transfert de l'implantation est impossible. Ces derrières constructions non éligibles à la mise en conformité doivent faire l’objet de démolition après leur visite par les agents habilités.
Au terme du délai accordé, le propriétaire de la construction obtient soit un permis d’achèvement s’il s’agit d’une construction non achevée mais déjà pourvue d’un permis de construire, soit d’un certificat de conformité si la construction pourvue d’un permis de construire est achevée mais qui est non conforme aux prescriptions de celui-ci.Le propriétaire d’une construction achevée mais n’ayant pas obtenu auparavant un permis de construire peut bénéficier d’un permis de construire à titre de régulation.Quant au propriétaire d’une construction non achevée n’ayant pas obtenu auparavant un permis de construire, il peut bénéficier à titre de régularisation d’un permis d’achèvement ou d’un permis de construire à titre de régulation.
La demande de régularisation présentée sous forme de déclaration est adressée au maire accompagnée d’un dossier qui à son tour le transmet avec l’avis des services de l’urbanisme de la commune aux services de l’Etat chargés de l’urbanisme au niveau de la wilaya qui le transmettra à la commission de daïra qui se prononcera en dernier lieu sur la conformité de la construction. La commission de daïra chargée de se prononcer sur la mise en conformité des constructions a été créée par le décret exécutif n° 09-155 du 2 mai 2009 .La commission de daïra peut avant de se prononcer ordonner toute expertise qui lui parait nécessaire,et ses décisions qui doivent intervenir dans un délai maximum de 3 mois à compter de sa saisine, sont prises à l’unanimité de ses membres.Les décisions de la commission de daïra peuvent faire l’objet d’un recours devant la commission de wilaya.Les décisions de la commission de recours de wilaya sont susceptibles d’un recours en annulation devant le tribunal administratif selon les règles et les délais prévus au code de procédure civile et administrative.
La procédure de régulation des constructions non conformes n’a pas été promulguée pour durer indéfiniment , aussi l’article 94 alinéa 1 de la loi n° 08-15 du 20 juillet 2008 dispose que les mesures de mise en conformité des constructions en vue de leur achèvement telles qu'édictées par cette loi prennent fin dans le délai de 5 ans à compter de la date de sa publication au Journal officiel en l'occurence le 4 août 2013.Le problème est que cette disposition a été vidée de sa subsistance par le même article dans son alinéa 2 qui dispose que l’alinéa 1 qui clôt la procédure de régularisation ne concerne pas les dispositions des articles 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 10, 11, 12, 54, 61, 68 et 93 de cette loi ce qui signifie que le principe de la régularisation reste ouvert même après l’expiration du délai de 5 ans. Et effectivement les commissions compétentes en cette matière ont continué à siéger et ont rendu des décisions bien après le 4 août 2013.
En 2016 les pouvoirs publics ont voulu mettre un terme à la régularisation des constructions illicites érigées sans permis de construire ce qui les rendra éligibles à la démolition,aussi a été inséré dans la loi de finances pour l’année 2017 un article ( l’article 113) qui limite la régularisation aux seules constructions pourvues d’un permis de construire réalisées ou en cours de réalisation mais non conformes aux prescriptions du permis de construire.En vertu de cet article 113 , La régularisation n’est autorisée que sous certaines conditions à savoir : respecter les droits de voisinage en termes d’implantation et d’ouvertures,respecter les normes de construction et de sécurité et enfin respecter les délais d’achèvement des travaux fixés par le permis de construire modificatif au titre de régularisation accordée.Et en état de cause la régularisation est établie moyennant le paiement d’une amende variant en fonction de la valeur du bien et en fonction de la nature de l'infraction.Cette disposition de la loi de finances devait prendre effet à compter du 1er janvier 2018 et les modalités de son application devaient être définies par voie réglementaire.Cet article 113 a été modifié une première fois par l’article 11 de la loi de finances pour l’année 2021, puis une deuxième fois par l’article 151 de la loi de finances pour l’année 2022. L’article 151 qui prend effet à compter du 1 janvier 2022 maintient les mêmes dispositions que l’article 113 mais modifie le montant de l’amende qui est fixée entre 10% et 25% du coût des parties rajoutées de la construction et en fonction de la nature de l’infraction.
C’est en application de l’article 113 de la loi de finances pour l’année 2017 qu’un décret exécutif a été récemment signé et publié au journal officiel n° 9 du 3 février 2022 .Il s’agit du décret exécutif n° 22-55 du 2 février 2022 fixant les conditions de régularisation des constructions non conformes au permis de construire délivré.D’emblée ce décret exécutif stipule que seules les constructions non conformes au permis de construire délivré peuvent être régularisées.Par conséquent les constructions illicites érigées sans permis de construite ne sont plus régularisables.La procédure de régularisation ressemble à celles prévue par la loi n° 08-15 du 20 juillet 2008 et par le décret exécutif n° 09-155 du 2 mai 2009 mais avec quelques aménagements.
La commission chargée du traitement des demandes de permis de construire modificatif ou de certificats de conformité à titre de régularisation est créée selon le cas par arrêté du président de l’assemblée populaire communale ou du wali.Le dossier de demande de permis de construire modificatif ou de certificat de conformité à titre de régularisation est déposé auprès des services de l’urbanisme de la commune du lieu de la construction.Le service de l’urbanisme de la commune transmet le dossier complet au guichet unique.La décision prise par le guichet unique peut comporter un avis favorable, un avis favorable sous réserves ou un avis défavorable.Cette décision est notifiée au demandeur par le président de l’assemblée populaire communale.
Dans le cas d’un avis favorable et après avoir payé l’amende due à la trésorerie communale, un arrêté portant permis de construire modificatif ou un arrêté portant certificat de conformité à titre de régularisation est établi suivant le cas par le président de l’APC ,le wali ou le ministre chargé de l’urbanisme.Dans le cas d’un avis favorable sous réserves et après constat par la commission de la levée des réserves et après paiement de l’amende due,l’arrêté portant permis de construire modificatif ou l’arrêté portant certificat de conformité à titre de régularisation est délivré par la même autorité.Dans le cas d’un avis défavorable, le président de l’APC, le wali ou le ministre chargé de l’urbanisme rendra un arrêté dans ce sens.Le demandeur peut introduire un recours devant la juridiction administrative compétente tendant à l’annulation de cet arrêté. Ce recours devant la juridiction administrative doit être introduit dans un délai de 4 mois à compter de la notification de l’arrêté à la personne concernée sous peine de rejet du recours.
BRAHIMI Mohamed
avocat à la cour de Bouira
brahimimohamed54@gmail.com