Il s’agit ici des difficultés d’exécution d’un jugement ou d’un autre titre exécutoire. Très souvent lors des opérations d’exécution d’un titre exécutoire ( par exemple un jugement du tribunal ou un arrêt de la cour ) l’huissier de justice chargé de l’exécution peut rencontrer des difficultés ou des obstacles qui peuvent suspendre la poursuite des opérations d’exécution . Par exemple lors des opérations de saisie des biens du débiteur condamné par jugement à verser une somme d’argent à la partie adverse, le poursuivi s’oppose à cette saisie au motif qu’il a réglé sa dette en exipant un document prouvent ses assertions , ou encore il soutient que le titre exécutoire ( s’il s’agit par exemple d’une reconnaissance de dette notariée revêtue de la formule exécutoire ) est nul ou frappé de prescription .Devant cette situation , l’huissier de justice est tenu de sursoir aux opérations d’exécution , d’établir un procès-verbal sur cet incident et de renvoyer les parties devant le président du tribunal du lieu d’exécution statuant en référé.
Une fois le président du tribunal statuant en référé saisi de l’incident, il lui appartient de statuer sur la difficulté soulevée lors des opérations d’exécution et consignée dans le procès-verbal établi par l’huissier de justice.Le juge peut soit faire droit à l’action en difficulté d’exécution et ordonne le sursis à exécution pour une durée qui ne peut excéder 6 mois , soit il rejette cette action et ordonne la poursuite de la procédure d’exécution.
Dans les deux hypothèses , et en application de l’article 633 alinéa 1,l’ordonnance rendue par le président du tribunal sur l’action en difficulté n’est susceptible d’aucune voie de recours. Cette ordonnance ne peut donc faire l’objet ni d’opposition ni d’appel ni encore moins de pourvoi en cassation.
Cette disposition de l’article 633-1du code de procédure civile et administrative qui transforme une ordonnance de référé en un acte gracieux puisque cette ordonnance ne peut faire l’objet d'aucune voie de recours peut susciter des questionnements au niveau de sa constitutionnalité au motif que cette interdiction des voies de recours s’oppose au principe du double degré de juridiction garanti par l’article 165 de la Constitution. C’est cette question qui a été soumise à la Cour constitutionnelle par voie d’exception d’inconstitutionnalité .
Par les deux décisions susmentionnées la Cour constitutionnelle a jugé que la disposition de l’article 633-1 du code de procédure civile et administrative est conforme à la Constitution. Avant de juger cet article conforme à la Constitution ,la Cour constitutionnelle a tout d’abord tenu à rappeler son rôle de garante du respect de la Constitution en faisant référence à sa décision n° 1/DCC/E.I./21 du 10 février 2021 qui a déclaré inconstitutionnel l’article 33 alinéas 2 et 3 du même code qui interdisait la voie de l’appel contre les jugements qui statuent sur des actions dont le montant n’excède pas 200 000 dinars , mais s’agissant de la présente exception elle fait remarquer qu’il faut la distinguer avec l’objet de de l'exception précédente. Dans la première exception , il s’agissait d’actions portant sur le fond du droit touchant fondamentalement les statuts juridiques des justiciables qui imposent le respect du double degré de juridiction en application de l’article 165 de la Constitution , alors que dans la présente exception il s’agit du sursis à exécution d’un jugement définitif donc d’une action qui ne porte pas sur le fond et dont les parties ont bénéficié du double degré de juridiction et par conséquent l’article litigieux est conforme à la Constitution.
Pour les juges de la Cour constitutionnelle , du moment que chaque partie au litige a bénéficié de son droit constitutionnel au double degré de juridiction avant que le jugement ne devienne définitif, prétendre que l’article 633-1du code de procédure civile et administrative est contraire aux dispositions de l'article 165 de la Constitution est inopérant .
Maitre BRAHIMI Mohamed
Avocat à la cour de Bouira
brahimimohamed54@gmail.com