Le crédit-bail ou leasing tel que défini par l’ordonnance n° 96-09 du 10 janvier 1996 est une opération commerciale et financière réalisée par les banques et établissements financiers, ou par une société de crédit-bail avec des opérateurs économiques nationaux ou étrangers, personnes physiques ou personnes morales de droit public ou privé , ayant pour support un contrat de location pouvant comporter ou non une option d’achat au profit du locataire et portant exclusivement sur des biens meubles ou immeubles à usage professionnel ou sur fonds de commerce ou sur établissements artisanaux.
Les opérations de crédit-bail sont donc des opérations de crédit en ce qu’elles constituent un mode de financement de l’acquisition ou de l’utilisation de biens meubles ou immeubles.Les opérations de crédit-bail sont dites« Leasing financier » si le contrat de crédit-bail prévoit le transfert au locataire de tous les droits, obligations, avantages, inconvénients et risques liés à la propriété du bien financé par le crédit-bail, si le contrat de crédit-bail ne peut être résilié et s’il garantit au bailleur le droit de recouvrer ses dépenses en capital et se faire rémunérer les capitaux investis. Elles sont dites « Leasing opérationnel » si la totalité ou la quasi totalité des droits, obligations, avantages, inconvénients et risques inhérents au droit de propriété du bien financé n’est pas transférée au locataire et reste au profit ou à la charge du bailleur.
Le crédit-bail est défini comme étant mobilier s’il porte sur des biens meubles constitués par des équipements ou du matériel ou de l’outillage nécessaire à l’activité de l’opérateur économique, et il est défini comme étant immobilier s’il porte sur des biens immeubles construits ou à construire pour les besoins professionnels de l’opérateur économique.Il est national lorsque l’opération met en présence une société de crédit-bail, une banque ou un établissement financier et un opérateur économique, tous deux résidents en Algérie, et international lorsque le contrat lui servant de support est soit signé entre un opérateur économique ayant la qualité de résident en Algérie avec une société de crédit-bail, une banque ou un établissement financier ayant la qualité de non-résident ou soit signé entre un opérateur économique n’ayant pas la qualité de résident en Algérie avec une société de crédit-bail, une banque ou un établissement financier résident en Algérie.
Le crédit-bail est donc un contrat signé entre une société de crédit ou une banque ou tout autre établissement financier « le crédit-bailleur » et un operateur économique « le crédit-preneur »du matériel ou de l’outillage à usage professionnel en laissant à ce dernier la possibilité d’acquérir tout ou partie des biens loués à un prix convenu tenant-compte des versements effectués à titre de loyer. Dans le crédit-bail immobilier , le crédit-bailleur donne en location, moyennant loyers et pour une durée ferme au crédit-preneur des biens immobiliers à usage professionnel qu’elle a achetés ou qui ont été construits pour son compte, avec la possibilité pour le crédit-preneur, au plus tard à l’expiration du bail, d’accéder à la propriété de tout ou partie des biens loués. Le crédit-bail peut aussi porter sur un fonds de commerce ou un établissement artisanal.
L’article 20 de l’ordonnance n° 96-09 du 10 janvier 1996 relative au crédit-bail objet de l’exception d’inconstitutionnalité autorise le crédit-bailleur à récupérer le bien loué en cas de non paiement par le crédit-preneur d’un seul terme de loyer et ce en vertu d’une simple ordonnance non susceptible d’appel rendue à pied de requête par le président du tribunal. On peut trouver curieux qu’un litige qui peut mettre en cause des sommes considérables intervenu suite à un non paiement d’un seul terme de loyer par le crédit-preneur soit tranché par une simple ordonnance du juge sachant que cette ordonnance est rendue sans procès , sans la présence du crédit-preneur et sur la base des seuls pièces et arguments présentés par le crédit-bailleur. Cette disposition est d’autant plus curieuse qu’elle dispose que l’ordonnance rendue par le président du tribunal n’est pas susceptible d’appel c’est à dire qu’une fois rendue elle devient définitive et exécutoire . Aussi , la question de l’inconstitutionnalité de cet article a été posée.
Il est à remarquer qu’alors que le demandeur à l’exception d’inconstitutionnalité a basé son argumentaire sur le fait que permettre au juge de statuer par une simple ordonnance sur requête sur une question qui peut mettre en cause des sommes considérables viole le principe du droit de la défense et des droits du débiteur , et n’a soulevé que subsidiairement et superficiellement la violation du principe constitutionnel du double degré de juridiction prévu à article 165 de la Constitution , la Cour constitutionnelle a statué au seul regard de la conformité de l’article 20 au principe du double degré de juridiction et en considérant que le fait que cet article autorise le président du tribunal à statuer par une simple ordonnance sur requête n’est pas en lui-même contraire à la Constitution
La Cour constitutionnelle devait donc repondre à la question de savoir si la disposition de l’article 20 qui supprime l’appel contre l’ordonnance du président du tribunal qui autorise le crédit-bailleur à récupérer le bien loué est une disposition contraire à l’article 165 de la Constitution qui garanti le principe du double degré de juridiction. Par sa décision , la Cour constitutionnelle a répondu par la négative au motif que le crédit-bail étant une opération commerciale et financière régie par un contrat de location spécifique qui relève d’une relation contractuelle consensuelle qui ne peut être modifiée que par consentement mutuel des parties tel qu’énoncé à l’article 106 du code civil, et que , dès lors que le juge n’intervient que pour s’assurer de l’existence ou non de la condition résolutoire et de son application, l’article 20 de l’ordonnance n° 96-09 du 10 janvier 1996 relative au crédit-bail ne peut en aucun cas porter atteinte au principe du double degré de juridiction prévu par l’article 165 de la Constitution et que par conséquent il convient déclarer la constitutionnalité de cet article 20.
Pour conclure, égayons ce billet en relevant cette erreur commise par la Cour constitutionnelle dans sa décision qui a confondu les termes « dispose « et « stipule ».Dans le vocabulaire juridique , on doit distinguer entre la loi ou l’ordonnance qui « dispose » et le contrat ou la convention qui « stipule ». Dans les considérants de la décision de la Cour constitutionnelle il est dit que « attendu que l’article 20 de l’ordonnance n° 96-09 du 19 Chaâbane 1416 correspondant au 10 janvier 1996 relative au crédit-bail stipule que … » alors que le terme juridique exact est « dispose ».Pour dire que même les plus hautes juridictions peuvent commettre des erreurs. Il est vrai qu’officiellement c’est la version en langue arabe de cette décision publiée au journal officiel qui fait foi alors que la version en français de la même décision est une traduction, aussi on peut supposer que c’est le traducteur et non pas les juges de la Cour constitutionnelle qui a commis cette confusion.
Maitre BRAHIMI Mohamed
Avocat à la cour de Bouira
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