En sus de cette interdiction qui ne concernait pas les transactions réalisés au profit des collectivités publiques ou des comites de gestion créés à l’indépendance, ce décret frappe de nullité tout contrat ou convention intervenu depuis le 1er juillet 1962 en Algérie ou hors d’Algérie. Quant aux actes de vente des biens vacants mobiliers ou immobiliers ils devaient être déclarés à la mairie sous peine de nullité , et il appartenait dès lors à l’autorité préfectorale soit de réviser ces actes quant aux prix, soit les annuler purement et simplement pour des raisons de bonne gestion, de spéculation ou d’ordre public. Les actes conclus à l’étranger postérieurement au 1er juillet 1962 ayant pour objet la vente ou la location des biens mobiliers et immobiliers situés en Algérie sont en ce qui les concerne déclarés nuls en non avenus par ce même décret.
Cette législation très restrictive concernant les transactions portant sur les biens vacants s’appliquait aussi bien aux nationaux qu’aux étrangers. Concernant les biens immobiliers qui n’ont pas été déclarés biens vacants ou ceux ayant été placés sous protection de l’Etat , un décret en date du 29 janvier 1964 portant le numéro 64-15 avait instauré une sorte de liberté de transaction contrôlée sans qu’il fasse une distinction entre nationaux et étrangers .En vertu de ce décret toutes transactions immobilières ou portant sur un fonde de commerce sont libres mais à la condition que la valeur des opérations ne dépassent pas un certain montant auquel cas la transaction est soumise à l’autorisation préalable du préfet après avis de l’administration de l’enregistrement et des domaines.
C’est à partir de l’année 1972 que les autorités ont durci la législation concernant les transactions immobiliers portant sur les immeubles appartenant à des étrangers qui ont leur résidence habituelle à l’étranger. En vertu de l’article 1 du décret n° 72-32 du 21 janvier 1972 modifié par le décret n° 72-132 du 7 juin 1972 :« Sont nulles et de nul effet toutes cessions d’immeubles ou de droits immobiliers situés en Algérie et appartenant ,directement ou par personnes interposées, soit à des personnes physiques étrangères ayant leur résidence habituelle à l’etranger,soit à des personnes morales étrangères, lorsque ces cessions n’ont pas été soumises à l’autorisation du ministère des finances ». Le principe était donc l’interdiction de toute cession d’immeubles appartenant à des étrangers mais cette interdiction peut être levé si le cessionnaire étranger bénéfice d’une autorisation de cession émanant du ministre des finance. En outre cette interdiction ne concerne pas les étrangers qui ont leur résidence habituelle en Algérie.
Cette législation est restée telle quelle jusqu’en 1983 , date de publication du décret n° 83-344 du 21 mai 1983 modifiant certaines dispositions du décret numéro 64-15 du 20 janvier 1964.Ce nouveau décret pose le principe de la liberté de transaction y compris pour les étrangers. Ainsi et en vertu de l’article 1 de ce décret :« Toutes opérations entre vifs réalisées par des personnes physiques ou morales de nationalité étrangère et ayant pour objet la création, l’extinction , l’acquisition ou le transfert de droits réels immobiliers, propriété, servitude, usufruit, cession des parts, hypothèques, antichrèses, emphytéose ainsi que les baux d’une durée supérieure à neuf ans et les cessions ,apports et location-gérances de fonds de commerce, sont libres ».
Cette liberté de transaction reconnue aux étrangers est néanmoins assortie d’une part par le droit de préemption reconnu à l’Etat, aux collectivités locales et aux organismes publics, et d’autre part par l’obligation pour le cesssionnaire de se faire délivrer préalablement à l’opération de cession une autorisation du wali (préfet).Cette législation est toujours en vigueur.
La Cour suprême et le Conseil d’Etat ont eu à statuer sur des litiges en rapport avec cette législation .Ainsi dans un litige entre une agence foncière publique et un ressortissant algérien ayant contracté en 1970 avec un français d’Algérie une promesse d’achat d’un immeuble situé en Algérie ,cette haute juridiction a jugé qu’un tel acte est nul et non avenu au motif qu’il viole les dispositions du décret du 23/10/1962 ( Civ.23/10/1991,dossier n° 81693,Revue de la Cour suprême ,numéro spécial, 2014,p.42) .Dans un souci de stabilité juridique, Le Conseil d’Etat a estimé que le recours introduit en 2009 par le directeur des domaines devant la juridiction administrative et tendant à annuler un acte contracté en 1964 portant vente d’un bien immeuble par un français d’Algérie à un algérien en violation du décret du 23/10/1962 est irrecevable au motif que ce recours est tardif et viole le principe du délai raisonnable applicable au recours contre les décisions administratives ( C.E., 30/07/2012,dossier n° 63457,Revue du Conseil d’Etat,2102,p.80).
Maitre Mohamed BRAHIMI
Avocat au bareeau de Bouira