Cette jurisprudence est discutable à plus d’un titre.Il est d’abord constant, même au vu de la jurisprudence antérieure de la Cou suprême , que la mise en détention d’un travailleur pour commission d’une infraction pénale n’autorise pas le licenciement mais qu’en application de l‘article 64-5 de la loi n° 90-11 du 21/04/1990 relative aux relations de travail, la relation de travail est seulement suspendue dans l’attente qu’une décision définitive soit prononcée .En outre la règle communément admise est qu’une condamnation pénale n’entraine le licenciement du travailleur condamné que si cette condamnation concerne une infraction en rapport avec la fonction exercé. Cette règle est logique et il serait incongru qu’un travailleur soit licencié parce qu’il a été condamné par exemple pour délit de blessures involontaires .La nouvelle décision de la Cour suprême est d’autant plus en décalage avec la jurisprudence antérieure qu’elle a entériné la décision de la cour d’appel qui a cautionné le licenciement sans que le travailleur ait été traduit devant un conseil de discipline.
- Conditions de saisine du tribunal des affaires sociales
L’action devant la section sociale du tribunal , et quelle que soit l’objet du litige ( demande d’annulation d’une décision de licenciement,demande d’octroi d’avantage liés au contrat de travail,demande d’indemnisations ...etc) n’est recevable que si le litige a été préalablement soumis à l’inspection du travail qui doit établi soit un procès-verbal de conciliation soit un procès-verbal de non conciliation.
Si un procès-verbal de conciliation a été établi il n’ya pas lieu à saisine du tribunal , il suffit de faire exécuter ce procès-verbal .Par contre si le travailleur et l’employeur n’arrivent pas à un règlement amiable ou si l’employeur ne se présente pas devant l’inspection du travail , il est établi un procès-verbal de non-conciliation.C’est ce dernier procès-verbal qu’il faudrait présenter devant le tribunal saisi.La loi a fixé un délai dans lequel l’affaire doit être enregistrée devant le tribunal sous peine d’être débouté.Ce délai est de 6 mois à compter de la date du procès-verbal de non-conciliation .
Dans un arrêt du 12/06/2009 dossier n° 1298826, la Cour suprême a confirmé cette règle et a aussi jugé que si le travailleur n’a pas saisi le tribunal dans le délai de 6 mois à compter de la date du procès-verbal de non-conciliation ,il n’est pas recevable à intenter une action devant la section sociale en vertu d’un deuxième procès-verbal de non conciliation portant sur le même objet que celui du premier procès-verbal.
- Calcul de la durée du contrat à durée déterminée
Le principe en matière de contrat de travail est que les congés de maladie et assimilés suspendent la relation de travail, et par conséquent le travailleur est réintégré de plein droit à son poste de travail ou à un poste de travail de rémunération équivalente à l’expiration des périodes ayant motivé la suspension de la relation de travail .
Cette règle prévue expressément par l’article 64 de la loi n° 90-11 du 21/04/1990 relative aux relations de travail ne s’applique en fait qu’à la relation de travail à durée indéterminée et est exclue pour la relation de travail à durée déterminée. C’est ce qu’a jugé la Cour suprême dans son arrêt du 04/04/2019 dossier n°1345084.Pa conséquent, si un contrat à durée déterminée arrive à terme alors que le travailleur était en congé de maladie, la relation de travail expire sans que le travailleur puisse exciper de la suspension de cette relation par le congé de maladie.
- Compétence d’attribution quant aux agents relevant des corps spécifiques de l’administration chargée de la poste et des technologies de information et de la communication
Les agents appartenant aux corps spécifiques de l’administration chargée de la poste et des technologies de l’information et de la communication ne sont pas des travailleurs dont la relation de travail relève de la section sociale du tribunal ,mais sont des fonctionnaire dont les litiges avec leurs employeurs relèvent du tribunal administratif. C’est dans ce sens qu’a statué la Cour suprême dans son arrêt 06/12/2018 dossier n° 1276200 qui a cassé un arrêt d’une cour d’appel qui a ordonné à la direction de la poste et des technologies de information et de la communication la réintégration d’un agent au motif qu’elle n’est pas compétence pour juger ce litige qui est de la compétence de la juridiction administrative et ce en application de l’ordonnance 06-03 du 15/07/2006 portant statut général de la fonction publique et du décret exécutif n° 10-200 du 30/08/2010 portant statut particulier des fonctionnaires appartenant aux corps spécifiques de l’administration chargée de la poste et des technologies de information et de la communication .
- Effet de la période d’essai sur la relation de travail
En application de l’article 18 de la loi n° 90-11 du 21/04/1990 relative aux relations de travail, le travailleur nouvellement recruté peut être soumis à une période d’essai dont la durée ne peut excéder 6 mois .cette période peut être portée à 12 mois pour les postes de travail à haute qualification. Cette période d’essai est déterminée par voie de négociation collective pour chacune des catégories de travailleurs ou pour l’ensemble des travailleurs.
En conséquence de cette disposition, le relation de travail peut être résiliée à tout moment durant la période d’essai sans indemnité ni préavis. Un arrêt de la Cour suprême daté du 06/09/2018 dossier n° 1284030 a statué sur un cas particulier en rapport avec la période d’essai. Elle a jugé que s’agissant d’un contrat de travail à durée déterminée, et si le travailleur a été soumis à une période d’essai avant son recrutement , et si ce contrat a été reconduit dans les même termes , le travailleur ne doit pas être soumis à une deuxième période d’essai. Par conséquent, si le travailleur est licencié au motif que la deuxième période d’essai n’a pas été concluante , ce licenciement est abusif ce qui ouvre au travailleur licencié le droit d’ester son employeur aux fins de réintégration ou d’ indemnisation pour la période restante du contrat .
Maitre Mohamed BRAHIMI
Avocat à la cour de Bouira
brahimimohamed54@gmail.com