Pour apprécier l’importance de cette loi, il faut avoir à l’esprit le nombre important des affaires traitées par la justice en rapport avec le non versement de la pension alimentaire. Dans l’hypothèse où le divorce est prononcé et que la décision de justice octroie à la femme divorcée une pension alimentaire à elle et aux enfants mineurs qui lui ont été confiés au titre de la garde et que le mari refuse de payer cette pension, la femme a deux options : soit elle a recours à la procédure de saisie des biens du débiteur et se faire payer sur le prix de vente des biens saisis ou bien elle opte pour la voie pénale en déposant une plainte pur non versement de la pension alimentaire , un délit prévu et puni de 6 mois à 3 ans de prison et de 50 000 à 300 000 dinars par l’article 331 du code pénal. La procédure de saisie étant très compliquée et très onéreuse, il est très souvent fait appel à la plainte pénale. Mais même la voie pénale n’est pas suffisante pour garantir le versement régulier de la pension alimentaire car très souvent le débiteur récidive. En outre, au vu des dossiers traités par les tribunaux, il s’avère que le non versement de la pension alimentaire par le père est dû en majeur partie non un refus délibéré mais à l’incapacité de réunir la somme requise.
C’est pourquoi la loi du 07 janvier 2015est d’une importance cruciale pour cette frange de la population fragile. Il faut dorés et déjà souligner que cette loi est à l’avant garde de ce qui se fait en matière de protection des femmes divorcées et des enfants confiés à la garde de leur mère consécutivement à un divorce.Dorénavent , c’est l’Etat qui prend en charge le versement de la pension alimentaire au cas oû le père refuse de la payer ou est dans l’incapacité de lefaire. C’est aux services de la wilaya chargés de l’action sociale que revient la charge de verser les redevances financières aux bénéficiaires .
Dans un souci d’accélérer la procédure de prise en charge de la pension alimentaire par les services compétents, la loi du 07 janvier 2015institue des règles qui dérogent au droit commun. Quand le jugement de divorce est prononcé et que la pension alimentaire dûe à la femme et à ses enfants mineurs fixés, il revient à cette dernière de le faire exécuter par voie d’huissier de justice. Si le débiteur de la pension exécute le jugement et verse régulièrement la pension dans le cadre du dispositif de ce jugement, il n’ya ni litige ni conflit. Mais si le débiteur refuse de payer la pension alimentaire ou est dans l’incapacité de le faire ou encore n’a pas de domicile connu, l’huissier de justice dresse un procès-verbal établissant la non exécution et au vu de ce procès-verbal, la bénéficiaire peut introduire auprès du juge une demande de bénéfice des redevances financières conformément aux dispositions de cette loi. Il en est de même si le débiteur exécute le jugement et verse la pension alimentaire pendant un certain temps puis ensuite il s’abstient.
En vertu de l’article 5 de la loi du 07 janvier 2015 , le juge , saisi d’une demande de bénéfice des redevances financières suite à un refus ou à une incapacité d’exécuter une décision de justice octroyant une pension alimentaire, doit statuer dans un délai de 5 jours suivant sa saisine. La décision du juge est rendue sous forme d’une ordonnance gracieuse c'est-à-dire une décision rendue au seul visa des pièces produites par la bénéficiaire et sans la présence du débiteur. Cette ordonnance est de par sa nature exécutoire sur minute sans qu’il soit besoin de la revêtir de la formule exécutoire .Contrairement au droit commun applicable aux notifications des décisions de justice c'est-à-dire une notification par huissier de justice, cette ordonnance est notifiée par voie du greffe du tribunal .Et si une quelconque difficulté s’élève à propos de la pertinence de cette ordonnance ,le juge doit statuer sur cette difficulté dans un délai ne dépassant pas 3 jours. Une fois l’ordonnance du juge rendue, les services compétents de la wilaya doivent ordonner le versement des redevances financières dans un délai maximum de 25 jours. Pour éviter les moyens dilatoires, les ordonnances prononcées par le juge dans le cadre de la loi 07 janvier 2015 ne sont susceptible d’aucune voie de recours. Enfin les dispositions de cette loi ne sont pas applicables aux montants de la pension alimentaire fixés par jugement antérieur à sa promulgation. En d’autres termes cette loi n’a pas d’effet rétroactif.
Maitre M.BRAHIMI
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