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La citation directe et la plainte avec constitution de partie civile devant le juge d’instruction : Substituts  à la plainte au parquet

mohamed brahimi Par Le 31/12/2019

Juge instruction image

Par réseaux sociaux interposés , il n’est pas rare  que des messages ou des commentaires véhiculant  l’injure, la diffamation ou la haine y sont ostensiblement affichés .Ainsi en est-il de la très controversée présidente d‘un parti politique et non moins députée  qui , dans des vidéos largement diffusées  sur ces réseaux,  a pour habitude de vilipender  des personnalités d’un autre bord politique que le sien   en usant  de termes crus facilement qualifiables de diffamatoires ou de propos haineux ou racistes .Ce comportement préjudiciable aux personnes visées par ces propos ont fait réagir ces  dernières  qui décidèrent à leur corps défendant de porter plainte par l’intermédiaire de leurs avocats  . Ce collectif d’avocats s’est  plaint de ce que le parquet , bien que saisi à maintes reprises de plaintes à l’encontre de cette personnalité politique, n’a pas cru utile de mettre en mouvement l’action publique et ordonner des poursuites .En d’autres termes le procureur  de la République a décidé de classer ces plaintes sans suite.

 

Est-ce à dire que  devant le classement sans suite décidé par le parquet , les personnes ou groupes de personnes visés par ces propos diffamatoires ou haineux  proférés par cette personnalité politique  n’ont aucun recours pour faire cesser ces agissements délictueux préjudiciables ? Assurément non puisque le code de procédure pénale a prévu des procédures parallèles  qui permettent à la victime de tels actes de saisir un tribunal pour faire juger leur auteur.

Tout d’abord  il est indéniable  que la loi interdit et réprime toute  atteinte portée à  l’honneur  et à la considération  des personnes. Ainsi les articles 296 à 299 du code pénal punit  d’une peine pouvant aller jusqu’à  six mois  d’emprisonnement , tout acte ou propos diffamatoire ,injurieux  ou outrageant dirigé contre un particulier .Et si le propos vise une personne qui appartient à un groupe ethnique ou philosophique ou à une religion déterminée , la peine est portée à une année d’emprisonnement.

En cas de plainte déposée par une victime d’une infraction auprès du procureur de la République , ce dernier n’est pas légalement obligé d’ouvrir une enquête ou de mettre en mouvement l’action publique car la loi lui reconnait un pouvoir d’appréciation très large. Il peut donc refuser d’ouvrir une enquête et décider du  classement de  la plainte sans qu’il soit  tenu d’exposer les motifs de ce refus.La victime de l’infraction , quant bien même sa plainte a été classée sans suite par le parquet ,  pourra  toujours poursuivre l’auteur de cette infraction  devant la juridiction pénale en vertu de deux procédures distinctes : La citation directe et la plainte avec constitution de partie civile devant le juge d’instruction .Si les deux procédures tendent sans distinction à faire juger l’auteur d’une infraction  sur l’initiative de la seule victime , elles différent quant aux conditionn de leur exercice .

LA CITATION DIRECTE PAR LA PARTIE CIVILE

Cette procédure de citation directe permet donc à la victime d’une infraction de faire comparaitre  directement l’auteur de cette infraction  devant le tribunal pénal sans  enquête préalable du parquet ou du juge d’instruction. Elle est appliquable en matière de délits alors qu'en matière contraventionnelle la loi est muette .La victime d’un crime ne peut en conséquence recourir à cette procédure car en matière de crime et conformément à l’article  66 du code de procédure pénale , l’instruction préparatoire par un juge d’instruction est obligatoire .

En principe , et en application de l’article  337 bis alinéa 2  du code de procédure pénale, la citation directe par la partie civile ne saisit pas automatiquement le tribunal mais elle doit être préalablement autorisée par le procureur de la République.Mais et c’est là l’avantage de cette procédure , si les faits objet de la citation directe constituent le délit de diffamation ( ou encore d’abandon de famille, de non représentation d’enfants , de violation de domicile ou encore de chèque sans provision) , cette autorisation  n’est pas nécessaire et ce en vertu du même article.Pour ces infractions , la citation directe saisit automatiquement le tribunal et le procureur de la République ne peut s’y opposer.

La citation directe par la partie civile est présentée au greffe du tribunal  sous forme d’une requête adressée au procureur de la République mentionnant obligatoirement  l’identité  du plaignant  et son adresse ainsi que celles  de l’auteur de l’infraction , les faits objets de la plainte, la nature de l’infraction  et le texte de loi punissant cette infraction. Certains parquets exigent aussi  la  mention de la date et du  lieu de naissance  de l’auteur de l’infraction ainsi que sa  profession  .Cette  dernière exigence  est à notre avis  contraire à la loi  puisque  en matière de citations et notifications en matière pénale  ,  l’article 439 du code de procédure pénale renvoie  aux disposition du code de procédure civile et administrative   et ce dernier n’exige que  la mention des  noms et prénoms .

 L’article 337 bis du  code de procédure pénale exige  d’autres conditions pour que la citation directe soit recevable. La partie civile  doit verser  entre les mains du greffier  une consignation c’est à dire une somme d’agent dont le montant est fixé par le procureur de la République .Enfin la partie civile doit faire élection de domicile dans le ressort du tribunal si elle n’y est pas domiciliée. Si la partie civile ne réside pas dans le ressort du tribunal saisi de la citation directe, c’est généralement chez  un avocat qu’elle va élire domicile.  

Une fois la plainte avec citation directe devant le tribunal déposée auprès du procureur de la République et la consignation versée, le procureur  procèdera à la fixation de date et de l’heure de l’audience et il reviendra au plaignant de  notifier cette citation à l’auteur de l’infraction par voie d’huissier de justiec.A l’issue de  l’audience  , le tribunal rend sa décision.Il peut soit condamner le prévenu auteur de l’infraction avec indemnisation de la partie civile , soit lil  estimera  que l’infraction n’est pas constituée et relaxera le prévenu. En cas de décision de relaxe  du prévenu, ce dernier peut au cours de la même audience demander à la partie civile qui a mis en mouvement l’action publique des réparations civiles  pour abus de constitution de partie civile et ce conformément à l’article 366 code de procédure pénale .C’est pour cette raison que la victime qui a recours à la citation directe  doit obligatoirement déposer une  consignation. Aussi  il est conseillé de ne recourir à la citation directe que si la victime dispose de toutes les preuves légales  pour établir la réalités  des faits reprochés au mis en cause.

LA CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE DEVANT LE JUGE D’INSTRUCTION

Pour des raisons diverses,  la victime d’une infraction peut ne pas être  autorisée à recourir à  la procédure de la citation directe . Il pourrait s’agir d’une infraction qualifiée de crime qui est soumise obligatoirement à une information  par le juge d’instruction . La victime peut aussi ne pas avoir  en sa possession des preuves irréfutables prouvant la culpabilité du mis en cause ou encore le procureur de la République refuse de donner son autorisation pour citer directement l’auteur de l’infraction. Dans toutes ces hypothèses ,  la victime peut déposer plainte devant le juge d’instruction avec constitution de partie civile.Cette procédure de constitution de partie civile  devant le juge d'instruction applicable aux délits et crimes est prévue par les articles 72 et suivants du code de procédure pénale 

Il est vrai que le dépôt de plainte devant le juge d’instruction avec constitution de partie civile ne garantie pas que ce juge diligentera automatiquement une instruction  car la loi l’autorise à  refuser  d’instruire . La différence est que la décision de  refus d’instruire  émane d’un juge du siège et en conséquence elle  est susceptible de recours  contrairement à la décision de procureur de la République.

Comme en matière de citation directe, le juge d’instruction est saisi par une plainte  motivée,  c’est à dire une plainte relatant le détail des faits reprochés au mis en cause .Concernant la désignation dans la plainte de l’identité  du mis en cause auteur de l’infraction  , la Cour suprême s’est penchée sur la question  en jugeant que  le défaut partiel ou total de mention de l’identité du mis en cause n’est pas une cause d’irrecevabilité de la plainte et ce au motif  que le juge d’instruction a toute latitude pour ordonner tel acte d’instruction  qu’il juge nécessaire aux fins de découvrir  l’identité exacte de l’auteur de l’infraction ( Cour suprême,  Chambre correctionnelle, arrêt  du 22/03/1999, dossier n° 200697,  revue judiciaire, année 2009 ,n° 1, p.205) .La plainte avec constitution de partie civile  est présentée au juge d’instruction si le tribunal ne comporte qu’un seul cabinet d’instruction , et au doyen des juges d’instruction si le tribunal comporte plusieurs cabinets d’instruction. La partie civile doit sous peine  d’irrecevabilité  consigner au greffe  la somme nécessaire pour les frais de procédure qui est fixée par le juge d’instruction et élire domicile  dans le ressort du tribunal où se fait l’instruction.

Avant d’entamer les actes d’instruction, le juge d’instruction transmet la plainte au procureur de la République aux fins de réquisition. Le procureur de la République ne peut en principe s’opposer à l’ouverture d’une information mais il peut le faire et demander en conséquence au juge d’instruction de rendre une ordonnance de non informé s’il estime que  les faits ne constituent pas une infraction .Mais en tout état de cause , le juge d’instruction peut passer outre à la demande de non informé  du procureur de la République.

Une fois l’information ouverte , le juge d’instruction procède aux actes d’instructions qu’il juge utiles ( auditions des parties, transports , perquisitions, expertises...).Une fois l’instruction terminée , il rend suivant  les cas soit une ordonnance de renvoi devant le tribunal  pour faire juger l’affaire,  soit une ordonnance de non-lieu  si les faits n’ont pas été établis. Les ordonnances du juge d’instruction sont susceptibles d’appel devant la chambre d’accusation.

Comme en matière de citation directe , si le juge d’instruction  rend  une ordonnance de non –lieu, la personne visée dans la plainte  peut au choix  soit déposer à son tour  une plainte  pénale contre la partie civile pour dénonciation calomnieuse ,  soit  intenter contre lui une action  civile  pour demander des réparations. La loi a prévu pour la demande de réparations civiles une procédure particulière. Au lieu d’être portée devant le tribunal civil , cette demande est portée en vertu de l’articel 78-2 du code de procédure pénale dans le délai de 3 mois  à partir du jour où l’ordonnance de non-lieu est devenue définitive,  devant le tribunal statuant en matière délictuelle dans le ressort duquel  l’affaire a été instruite.

Par Mohamed BRAHIMI

Avocat à la cour

brahimimohamed54@gmail.com