Quels sont les droits des malades ayant été victimes d’une erreur médicale ? Que signifie la notion de « faute ou erreur médicale génératrice de responsabilité ?Où en est la jurisprudence algérienne en cette matière, accepte-elle facilement les actions en responsabilité du médecin défaillant et sous quelles conditions ?
On entend par faute médicale en droit tout acte émanant du soignant ayant entrainé un dommage anormal au regard de l’évolution prévisible de l’état de santé du patient. On distingue habituellement deux types de fautes médicales qui peuvent engager la responsabilité médicale et ouvrir ainsi la voie à une indemnisation financière de la victime : la faute technique qui consiste en l’erreur commise par le professionnel de santé par méconnaissance des règles et usages de la profession comme une erreur dans le diagnostic , dans l’acte médical ou dans le choix du traitement prescrit au patient , et la faute contre l’humanisme qui est constitutive dès lors que le professionnel de la santé viole les règles de la déontologie de la profession.
Les obligations et les règles déontologiques auxquelles sont soumis les professionnels de santé sont régies par la loi n° 85-05 du 16 février 1985 relative à la protection et à la promotion de la santé et par le décret exécutif n° 92-276 du 06 juillet 1992 portant code de déontologie médicale.Ces deux textes s’ils ont évacué la question de la responsabilité des professionnels de santé, ils ont par contre fixé certaines obligations dont la violation peut entrainer cette responsabilité.
L’article 195 de la loi n° 85-05 dispose que les médecins sont tenus de veiller à la protection de la santé de la population par la fourniture de soins médicaux appropriés .Quant au décret exécutif n° 92-276 , il impose aux professionnels de la santé certaines obligations .Ainsi et en application de l’article 45 , le médecin et dès lors qu’il a accepté de répondre à une demande ,il s’engage à assurer à ses malades des soins consciencieux, dévoués, conformes aux données récentes de la science. En outre le médecin est tenu en vertu des articles 43 et 44 du même décret exécutif ,d’une part d’éclairer son malade par une information intelligible et loyale sur les raisons de tout acte médical, et d’autre part de demander le consentement du malade lorsque l’acte médical auquel il est soumis présente un risque sérieux.
Sur la base de ces dispositions , et bien avant la promulgation des textes sus-mentionnées,les juridictions statuaient sur les actions en responsabilité médicale en référence au régime de la responsabilité médicale établie par la jurisprudence notamment par le célèbre arrêt Mercier de la Cour de cassation française du 20 mai 1936 qui a pour la première fois tranché la question de la nature contractuelle ou délictuelle de la responsabilité médicale . En vertu de cet arrêt ,il se forme entre le médecin et son client un véritable contrat comportant pour le praticien l’engagement sinon,evidemment,de guérir le malade, du moins de lui donner les soins ,non pas quelconques ,mais consciencieux ,attentifs, réserve faite de circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de le science. Cette formulation de l’arrêt de la Cour de cassation a pratiquement été reprise telle quelle par l’article 45 du décret exécutif n° 92-276 du 06 juillet 1992.
C’est aussi dans ce sens qu’a statué la Cour suprême algérienne .Dans son arrêt du 23 janvier 2008 ( dossier n° 399828 , revue de la Cour suprême, année 2008,n° 2, P. 175) , elle a jugé que le médecin est tenu par une obligation d’assurer à ses patients des soins consciencieux et attentifs en conformité avec les données actuelles de la science, sauf dans les cas où il est tenu par une obligation de résultat , et ce dans le but de guérir le malade et améliorer son état de santé , et que la violation de cette obligation est une faute qui engage la responsabilité du médecin et en conséquence de cette règle , le chirurgien qui au lieu d’éliminer des calculs rénaux tels que convenus avec son patient , a procédé à l’ablation du rein alors que l’état du malade n’exigeait pas cet acte a commis une faute qui ouvre droit à une indemnisation .
La jurisprudence étant constante sur le fait que la responsabilité du médecin est une responsabilité contractuelle, les conséquences de cette solution sont importantes.Ainsi , la prescription de l’action en justice contre un professionnel de santé pour faute médicale se prescrit dans le délai de droit commun c’est à dire 15 ans ( article 308 du code civil) et non pas dans le délai de 3 ans applicable en matière d’ infractions d’homicide ou blessures involontaires pour lesquels peut être poursuivi un médecin en cas de faute pénale ( article 8 code de procédure pénale). Les règles relatives à la compétence territoriale du tribunal ou à l’étendue de la réparation diffèrent suivant la nature de l’action engagée ( action pénale ou en responsabilité contractuelle).Par contre alors que la jurisprunce considère l’action en responsabilisé médicale comme découlant d’un contrat ce qui logiquement devra mettre à la charge du débiteur ( le médecin fautif) la charge de s’exonérer de sa responsabilité en démontrant que le dommage provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée( article 127 du code civil ), elle met par contre la charge de la preuve sur le malade qui doit rapporter la faute du médecin. En pratique, il suffit à la victime de l’erreur médicale qui saisit la justice pour revendiquer une indemnisation de produire les certificats ou rapports médicaux en rapports aves les faits et c’est la juridiction qui désignera par jugement avant dire droit un expert dans la spécialité médicale concernée à l’effet de dire s’il ya erreur médicale .
Comme indiqué, la responsabilisé d’un professionnel de santé n’est pas engagée sur le seul fondement d’une erreur médicale ,mais celle-ci peut être aussi engagée en cas de non information du malade sur les risque graves liés à un acte médical , ou en cas de non respect de l’obligation d’informer le malade sur l’acte médical qu’il envisage et obtenir son consentement. La Cour de cassation française par exemple a jugé que le défaut d’information cause nécessairement un préjudice au patient que le juge doit obligatoirement indemniser ( 1er Chambre civile, 3 juin 2010, n° 09-13.591) .De son coté le Conseil d’Etat français a retenu la respossabloté d’un médecin qui a procédé à la ligature des trompes de la patiente sans avoir obtenu son consentement préalable ( Conseil d’Etat , 10 octobre 2012 ,requête n° 350426,publié au recueil).
Ainsi toute personne victime d’une erreur médicale peut saisir la juridiction compétente aux fins d’indemnisation .Hormis le cas où cette erreur constitue l’infraction pénale d’homicide ou de blessures involontaires et donc passible de la juridiction correctionnelle ou contraventionnelle , l’action en indemnisation pour erreur médicale est portée soit devant le tribunal de droit commun ( la section civile du tribunal) , soit devant le tribunal administratif. Cette compétence étant d’ordre public il ya lieu de bien fixer la juridiction compétence sous peine de rejet de l’action pour incompétence d’attribution. Le critère de distinction tribunal civil-tribunal administratif réside dans la personne ou la structure qui a commis l’erreur médicale. L’action sera portée devant la section civile du tribunal si l’erreur médicale relève de cliniques ,d’établissements de soins privés ou de médecins libéraux. Elle devra être portée devant un tribunal administratif si l’erreur médical a été commise dans un hôpital public ou un médecin relevant du secteur public.
La chambre administrative de la Cour suprême puis le Conseil d’Etat algériens ont eu à se prononcer sur plusieurs affaires engageant la responsabilité d’une structure publique de santé. Dans une affaire où un accidenté de la circulation a été hospitalisé pour des fractures de la jambe, et qui a dû subir par la suite une amputation suite à une gangrène , il a été retenu la responsabilité de l’hôpital au motif que l’amputation de la jambe est dû à une négligence lors de la prise en charge du patient notamment au niveau du suivi médical ( arrêt du 30/06/1990,dossier N° 65648, Revue judicaire ,année 1992,n°1,p.132).Le Conseil d’Etat a aussi jugé que le médecin hospitalier qui a procédé à l’ablation de deux orteils d’une patiente atteinte de varices a commis une faute au motif que les opérations pour cause de varices sont des opérations simples et banales ( arrêt du 03/06/2003,dossier N° 4166, Revue du Conseil d’Etat ,année 2003,n°4,p.99).Sont aussi constitutives d’une erreur médicale suivant le Conseil d’Etat les complications subies par un malade à qui a été implanté des broches au niveau de la jambe ( arrêt du 11/03/2003,dossier N° 7733, Revue du Conseil d’Etat ,année 2004,n°5,p.208).
Maitre Mohamed BRAHIMI
Avocat à la cour de Bouira
brahimimohamed54@gmail.com