Sans se prononcer sur la ligne éditoriale du journal qui réjouit certains et dérangent d’autres ce qui est normal si on considère qu’on est dans un pays démocratique et pluraliste , il est incontestable que la disparition de ce titre porte un coup fatal à une opinion libre qui quoi qu’ on en dise a suscité de l’admiration même en dehors des frontière autant pour les qualités de forme et de fond de ses analyses qui n’ont rien à envier aux plus grandes publications étrangères , que pour son courage et sa résilience face aux péripéties qu’a vécues ce titre tout au long de son parcours.
Un journal même édité sous forme d’une société commerciale n’ a pas une vocation exclusivement mercantile, mais a aussi une fonction éminemment sociale . La disparition d’un journal ou tout autre média à fortiori s’il s’agit d’un journal historique et précurseur ne peut être définie que de brutale et de catastrophique aussi bien pour ses journalistes et employés que pour ses nombreux lecteurs. C’est Tocqueville qui, abordant dans son ouvrage « De la démocratie en Amérique » le thème de la presse , définit l’importance des médias en considérant que sans liberté d’expression , il n’y a pas de démocratie. C’est pourquoi , même dans les pays capitalistes , les pouvoirs publics ne rechignent pas à intervenir pour soutenir des medias et notamment la presse écrite en leur accordant des aides substantielles en moyens financiers ou en exonérations diverses .Ainsi en France pas moins de 600 millions d’euros ont été versés en 2020 pour soutenir différends titres de la presse.
Aussi il est de la responsabilité de l’Etat d’intervenir pour éviter la disparition annoncé du journal « liberté » si tant est que la dissolution décidée par ses propriétaires a été motivée comme avancé par des considérations purement économiques.Laisser ce journal périr, c’est assurément accepter une dérive qui n’augure rien de bon pour la lirerte de la presse et la liberté d’expression tout court , et comme l’a si bien résumé le journaliste de ce même journal Hassane Ouali « la mort d’un journal est souvent suivie de la naissance d’un démon ».
La décision de dissolution volontaire du journal ayant été actée ce mercredi 6 avril 2022 par un vote des actionnaires réunis en assemblée générale,il reste à savoir , dans l’éventualité où cette dissolution deviendrait irrévocable , que sera le devenir des nombreux journalistes et employés de ce média. S’agissant d’une société commerciale créée sous la forme d’une société à responsabilité limitée, et sous réserve de clauses contraires des statuts de cette société , la dissolution du journal a requis l’accord des 2/3 des associés conformément au code de commerce , et la décision de l’assemblée générale devait être précédée d’un rapport établi par un expert agréé sur la situation de la société. Il serait donc intéressant de consulter ce rapport dans son volet relatif aux difficultés économiques qui ont motivé la dissolution.
Le journal géré en la forme de société commerciale occupant plus de 9 salariés qui seront impactés par la décision de dissolution décidé par leur employeur, ces salariés seront régi quand à leur devenir par les dispositions impératives du décret législatif n° 94-09 du 26 mai 1994 portant préservation de l’emploi et protection des salariés susceptibles de perdre de façon involontaire leur emploi. Connaissant la propension des employeurs y compris les employeurs public à licencier sans respect des prescriptions légales , et vu la rapidité de la décision de dissolution du journal qui a surpris même les responsables du journal , il est à se demander si le volet social prévu par ce décret législatif a été préalablement approuvé avant la décision de dissolution, ou si pour le moins ce volet a été discuté par les associés propriétaires et employeurs en vue de le faire avaliser par le liquidateur.
Pour rester dans le cadre de la loi , et pour préserver les droits des salariés de l’entreprise de presse, le volet social , qui englobe entre autres un projet de redéploiement des salariés ou mieux encore une action de préservation de l’emploi par le recours à un plan de redressement de l’entreprise de presse avec l’appui des services de l’état , doit être adopté par l’employeur en concertation avec les représentants des salariés et doit être sanctionné par un procès-verbal signé par les deux parties , et à défaut d’accord il sera fait recours à la médiation ou à l’arbitrage et ce en application des articles 6 et suivants du décret législatif n° 94-09 du 26 mai 1994 .Le volet social approuvé par l’employeur et les représentant des salariés doit être déposé au greffe du tribunal et de l’inspection du travail et mis en œuvre par l’employeur sachant que le non respect de ces prescriptions est pénalement sanctionné par l’article 34 du même décret législatif.
La décision de dissolution de l’entreprise de presse « liberté « n’étant pas irrévocable tant que le liquidateur désigné par les associés n’a pas encore clôturé le opérations de liquidation, il est à espérer que l’assemblée générale des actionnaires revienne sur sa décision en recourant aux différentes formules prévues par la loi et susceptibles d’éviter la dissolution et de préserver la pérennité du journal.
Miatre M.BRAHIMI
Avoca à la cour de Bouira
brahimimohamed54@gmail.com