La création de la zone de libre échange entre l’UE et l’Algérie à travers un démantèlement total mais progressif des tarifs douaniers devait initialement s’achever à l’horizon 2017et ce, en trois étapes. Vu la faiblesse de l’économie algérienne, la partie algérienne avait demandé dès l’année 2010 la négociation d’un report du démantèlement tarifaire qu’elle a obtenu en 2012. Un accord avait été trouvé sur un nouveau schéma de démantèlement tarifaire . Cet accord a de fait repoussé la date de l’établissement de la zone de libre-échange à l’année 2020.
Dans quelques mois donc ,la partie algérienne doit respecter ses engagements et libérer totalement les échanges des biens , services et capitaux avec les pays de l’Union européenne .Comme d’habitue , à chaque fois que la date butoir fixée par les deux parties pour appliquer dans son intégralité l’Accord d’association arrive à terme , des voix de tous horizons notamment celles de certaines organisations patronales s’agitent pour critiquer cet Accord et demandent soit un énième report soit carrément son annulation. C’est ainsi que le président de l’association nationale des exportateurs algériens a déclaré dans un récent entretien accordé à certains medias que « l’Accord d’association de libre-échange avec l’UE est un désastre pour l’économie nationale ».Il justifie cette sentence par le fait que cet Accord n’est pas en faveur de l’Algérie dont l’économie est dépendante des seules hydrocarbures.
En fustigeant l’Accord de libre échange, le président de cette association est dans son rôle puisque apparemment seule la préservation des intérêts des entreprises qu’il représente l’intéresse en omettant volontairement de mentionner le coté positif de cet Accord .Mais est-il exact que cet Accord est préjudiciable à la partie algérienne et à son économie ?
Les analystes qui ont abordé la question évacue de bonne ou de mauvaise foi le fait que l’application de l’Accord de libre échange avec l’UE profitera en premier lieu au citoyen algérien puisque le démantèlement tarifaire des biens et services prévu par cet Accord induira automatiquement la baisse drastique des prix des produits concernés par ce démantèlement notamment les produits agricoles transformés et autres marchandises. Le consommateur algérien aura ainsi à sa disposition des biens , des marchandises et des prestations en quantité et en qualité provenant de l’Union européenne et à moindre coûts par rapport aux produits locaux.De ce point de vue un tel Accord ne peut être que positif pour le simple citoyen.
Il est incontestable que l’application de l’Accord d’association dans son intégralité à l’horizon 2020 pourra poser des problèmes au niveau macro-économique , mais l’Algérie est-elle en mesure de se passer d’un tel Accord , et est-il dans son intérêt de reporter indéfiniment les réformes structurelles et douloureuses mais seules susceptibles de créer une économie performante, concurrentielle et créatrice de richesses ?
Tout d’abord l’Accord d’association ayant été ratifié par l’Algérie, il acquiert force exécutoire quant aux obligations qui y sont définies. Il constitue donc une convention internationale qui est supérieure à la loi interne conformément à l’article 150 de la Constitution. En application de cet Accord , l’Algérie est tenu de respecter ses engagements sous peine de se voir appliquer des mesures de rétorsion ou de compensation prévues par cet Accord.L’Algérie peut bien sûr dénoncer cet Accord , mais ce serait là un signal négatif vis à vis des autres partenaires de l’Algérie et qui plus est aurait un effet dévastateur sur l’image et la crédibilité du pays.
Contrairement à l’idée reçue et propagée , l’Accord d’association Algérie-UE ne se limite pas uniquement à la création d’une zone de libre échange mais intègre aussi bien le volet économique que les dimensions politiques , sociales et culturelles nécessaires à un développement durable. Les parties signataires ont pris soin de prévoir des mesures d’accompagnement tout au long de l’exécution de l’Accord .Ainsi par exemple des mesures antidumping, de sauvegarde ou de compensation ont été prévues dans le seul but de protéger la production de la partie algérienne .
L’Accord d’association ayant été signé en 2002 et ratifié en 2005 c’est à dire depuis plus de 17 ans, les entreprises algériennes autant privées que publiques avaient largement le temps de se préparer à cette échéance de 2020 mais apparemment au vu de la récente déclaration du représentant des entreprises exportatrices algériennes c’est toujours la mentalité du moindre effort et de la rente qui perdure. Cette position négative est d’autant plus critiquable que l’organisation que préside ce représentant faisait elle-même partie de la commission technique de suivi et d’évaluation de la mise en œuvre de l’Accord instituée par le ministère du commerce à coté d’autres organisations à l’instar de la Confédération nationale du patronat, la Confédération des industriels et des producteurs algériens, la Confédération générale des operateurs économiques algériens ,l’Union nationale des entrepreneurs publics, l’Association générale des entrepreneurs algériens et bien d’autres.
L’entré en vigueur de l’Accord d’association dans son intégralité devra forcer la main au gouvernement pour lancer enfin et une bonne fois pour toutes les réformes structurelles nécessaires à même d’insérer l’Algérie dans l’économie mondiale où seule le marché et l’efficacité priment.Jusqu’ici la politique économique de l’Algérie est à contre-courant des règles contenues dans l’Accord d’association .La règle des 51/49 instaurée par le gouvernement en 2009 , l’institution du crédit documentaire et les restrictions diverses à l’importation décidées unilatéralement ont porté un coup sévère à cet Accord et ont décrédibilisé les interlocuteurs de l’Union européenne .
Aujourd’hui alors que l’Algérie est entré de plein fouet dans une crise économique induite par la chute des cours du pétrole et par une économie moribonde dépendante exclusivement des hydrocarbures qui s’assèchent inexorablement , et après l’échec du financement non conventionnel , il est aujourd’hui beaucoup question du recours à l’endettement extérieur pour réduire le déficit et permettre la relance de l’investissement .Il va sans dire que ce financement externe notamment le recours au FMI ou à la Banque mondiale ne peut être envisagé sans que l’Algérie procède à des réajustements structurels qui vont dans le sens d’une libéralisation de l’économie. L’abandon de la règle 51/49 dans la loi de finances pour 2020 et la nouvelle loi sur les hydrocarbures plus libérale constituent les premières mesures concrètes remettant en cause la politique protectionniste poursuivie jusqu’ici.Ces deux institutions financières internationales seront certainement très attentives à ce que décidera le gouvernement algérien quant à l’application effective de l’Accord d’association avec l’Union européennes à l’échéance 2020 et c’est à l’aune du respect cette échéance qu’elles aviseront.
Par Maitre Mohamed BRAHIMI
Avocat