" La loi ne dispose que pour l'avenir; elle n'a point d'effet rétroactif " telle est la règle posée par l'article 2 du code civil. En outre la loi n'est exécutoire qu'à partir de sa publication au journal officiel et elle est obligatoire à Alger un jour franc après sa publication et partout ailleurs dans l'étendue de chaque daira un jour franc après que le journal officiel qui la contient soit parvenu au chef -lieu de la daira ( article 4 du code civil). En vertu de ces deux articles les dispositions de la loi de finances pour 2017 publiées au journal officiel du 29 décembre 2016 sont exécutoires à Alger à partir du 30 décembre 2016 inclus mais ce jour tombant un vendredi donc un jour férié suivi du samedi qui est un autre jour férié, la date est reportée au dimanche 1er janvier 2017.Pour les autres régions du pays,la loi de fiances est exécutoire le lendemain de la réception du journal officiel, le cachet de la daira sur le journal officiel faisant foi.
Du principe de non-rétroactivité de la loi qui est l'un des principes les plus fondamentaux d'un Etat de droit puisqu’il incarne la sécurité juridique , découle le fait qu'une loi nouvelle ne peut pas être appliquée à des actes ou à des faits juridiques qui se sont passés antérieurement au moment où elle a acquis effet obligatoire.Cette règle est non seulement rationnelle mais juste.La transgresser est une violence juridique .
Il est bien vrai que le principe de non-retroactivité de la lois soulève des difficultés d'application dans le temps notamment pour les faits qui ne sont pas instantanés.Ainsi en est-il par exemple du contrat de location ou du contrat de travail qui ont commencé sous l'ancienne loi et qui se poursuivent sous la nouvelle.Mais si le principe est intangible, le législateur peut toujours promulguer une loi expressément rétroactive dans sa totalité ou dans certaines de ses dispositions.En l'absence d'une disposition législative autorisant l'application rétroactive de la loi , il n'est pas permis de passer outre le principe de la non-rétroactivité de la loi.
Ces principes étant posés , la décision de la Direction générale des impôts qui applique le nouveaux taux de la TVA de 19% rétroactivement aux prestations effectuées à l'ombre de l'ancienne loi qui fixait ce taux à 17% mais dont l’encaissement des sommes dues a été différé après la date du 1er janvier 2017 est-elle légale ?.
L'illégalité manifeste de la décision appliquant rétroactivement le nouveaux taux de la TVA
C'est l'article 26 de la loi de fiances pour l'année 2017 modifiant l'article 21 du code des taxes sur le chiffre d'affaire qui a porté le taux normal de la TVA de 17% à 19% .Cet article est rédigé comme suit : « La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux normal de 19 % » sans autre précision.Ce nouveau taux est exigible suivant le principe de la non-retroactivité de la loi à compter du 1er janvier 2017 pour les faits générateurs de cette taxe c'est à dire les opérations commerciales ou professionnelles mentionnées à l'article 14 du code des taxes sur le chiffre d'affaire .
Aucune disposition spéciale de la nouvelle loi de finances pour 2017 ne dispose que ce nouveau taux de 19 % s'applique rétroactivement aux prestations antérieures au 1er janvier 2017dont les montants seront encaissés après cette date .Décider le contraire par un acte administrative à caractère impératif émanant d'une Direction centrale du ministère des finances c'est assurément violer le principe de non- rétroactivité de la loi et faire une faussé interprétation de l'article 26 de la loi de finances et par conséquent c’est créer une règle nouvelle non prévue par la loi ;D'ailleurs l'article 14 du code des taxes sur le chiffre d'affaire vide la difficulté puisque concernant par exemple la prestation de vente, elle dispose que le fait générateur de la TVA est constitué par " la livraison juridique ou matérielle de la marchandise" et il n'est nulle part fait état d’une distinction entre exécution de la prestation et l’encaissement du prix.
La note étant pour les motifs invoqués en contradiction avec le principe de non-retroactvie des lois donc manifestement illégale et entachée d’excès de pouvoir quel est le recours susceptible d'être engagé pour censurer cette note.
Le recours contre la note litigieuse : competence et procédure
Le justiciable qui s’estime lésé par la note litigieuse a à sa disposition deux voies de recoure :Le premier est un recours pour excès de pouvoir à l’effet de faire censurer cette note c'est-à-dire la faire annuler pour motif d’illégalité et d’excès de pouvoir.Cette action est dirigée directement conte la note en tant qu’acte administratif .Le second recours possible est un recours de pleine juridiction dirigé cette fois non pas contre la note elle-même mais contre le décision d’imposition rendu par le directeur des impôts en application de cette note.
Le recours pour excès de pouvoir
La note de la Direction générale des impôts imposant la TVA au taux de 19% pour les faits antérieurs au 1er janvier 2017 date de l'entrée en vigueur de la loi de finances pour 2017etant entachée du vice de violation du principe de non-retroactivité des lois,elle est susceptible d’annulation pour excès de pouvoir.Quelle est dans ce cas la juridiction compétente et quelle est la procédure applicable
Tout d'abort la note de service de la Direction générale des impôts étant assimilée à une circulaire donc à un acte administratif interprétatif à caractère impératif , elle peut faire l'objet d'un recours en annulation pour excès de pouvoir devant la juridiction administrative .Dans un arrêt de principe le Conseil d'Etat français a jugé que : « lorsque l’interprétation que l’autorité administrative donne ,par voie de circulaire ou d’instruction,des lois et règlements qu’elle a pour mission de mettre en œuvre présente un caractère impératif,elle est considéré comme faisant grief , tout comme le refus de l’abroger,et se trouve, par suite,susceptible d’être déféré au juge de l’excès de pouvoir » .L'auteur de la note étant une autorité administrative centrale en l'occurrence la Direction centrale des impôts qui relève du ministère des finances, l'action en annulation pour excès de pouvoir doit être portée devant le Conseil d'Etat et non pas devant le tribunal administratif et ce conformément à l’article 901 du code de procédure civile et administrative .Elle est dirigée conte le ministre des finances .La partie demanderesse est soit une personne physique soit une personne morale ( une organisation professionnelle par exemple) .Pour que le demandeur soit recevable dans sa requête en annulation pour excès de pouvoir,il faut qu'il excipe d'un intérêt à agir c'est à dire prouver que cette note lui fait grief.
Une fois saisi, le juge vérifiera si la note querellée porte atteinte au principe de la non- rétroactivité de la loi et si elle a mal interprété la disposition de l'article 26 de la loi de finances et si tel est le cas, et s’il est constaté que la notre porte grief au demandeur , il censure cette note en l'annulant purement et simplement. Le caractère de non-rétroactivité de la loi est qualifié par la jurisprudence de règle d'ordre public c'est à dire qu'elle peut être invoquée à tout état de la procédure et doit être soulevé par le juge .
Le contentieux de pleine juridiction
Le contribuable imposé au taux de 19% pour des prestations effectuées avant le 1er janvier 2017 mais dont le montant est encaissé durant l’année 2017 peut attaqué la décision de l’administration des impôts suivant la procédure normale prévu par le code de procédure civile et administrative et le code des procédures fiscales .Cette action dont l’objet est la contestation du bien fondé du taux de la TVA de 19 % appliqué au demandeur est porté devant le tribunal administratif . Le juge fiscal a à sa disposition des pouvoirs étendus.Il peut non seulement apprécier la légalité du taxe de la TVA à 19% appliqué au contribuable mais ilpeut aussi recalculer la TVA .
Si au cours de cette instance,le directeur des impôts excipe de la note de service rendue par le Direction générale des impôts, le demandeur peut soutenir que cette note est invalide ( exception d’illégalité) et le juge pourra écarter cette note au motif qu’elle est illégale et par conséquent annulera l’imposition contestée.
Maitre M.BRAHIMI
Avocat à la Cour
(+213) (0) 26 83 81 65
(+213) (0) 7 71 50 49 57
Email: brahimimohamed54@gmail.com
www.brahimi-avocat.e-monsite.com