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Brefs commentaires des arrêts les plus marquants rendus par la Cour suprême en 2024

mohamed brahimi Par Le 22/10/2024

Image cour supreme

La cour suprême a publié et mis en ligne en cette fin d’année 2024 simultanément  deux  numéros  de sa revue périodique « Revue de la Cour suprême » . Ces deux revues contiennent  d’intéressants arrêts qui ont statué sur des questions d’importance se rapportant à divers domaines du droit .

- Responsabilité médicale

En matière de responsabilité médicale pour faute, la Cour suprême a jugé ( arrêt du 17 octobre 2022 ,dossier n° 1483290) qu’une clinique médical assume la responsabilité du préjudice matériel et esthétique provoqué  par une intervention chirurgicale opérée sur un malade diabétique alors qu’elle a été informé  de l’état de santé de ce malade susceptible de constituer un obstacle à la bonne exécution de l’intervention .Dans ce dossier il s’agissait d’une clinique dentaire qui a pratiqué la pose d’une prothèse dentaire à un patient  alors que ce dernier était diabétique ce qui a provoqué une grave infection de la mâchoire ayant entrainé la perte de plusieurs dents implantés.

- Opposabilité  des anciens actes  établis avant l’indépendance

En matière d’opposabilité des anciens actes établis avant l’indépendance par les autorités judiciaires de l’époque  aujourd’hui supprimées (cadis-juges -notaires, Adel et Bach-Adel des anciennes  mahakmas judiciaires), la Cour suprême a confirmé sa jurisprudence antérieure selon laquelle  ces actes ont valeur d’actes officiels  et constituent une preuve suffisante de la propriété immobilière ( arrêt du 25/02/2004 dossier n° 264528 – voir le commentaire de cet arrêt sur ce même blog sous le titre "  La valeur juridique des actes portant mutation d’immeubles ou de droits immobiliers dressés avant l’indépendance".Dans son dernier daté du 8 septembre 2022 dossier n° 1352771 ,la Cour suprême a incidemment mis un terme à la position de certaines juridictions inferieures qui écartent ce genre d’actes  au motif qu’ils sont imprécis et ne désignent pas avec précision les limites de l’immeuble visé dans ces actes.

 

 

 

  

 

 

La Cour suprême a censuré et cassé l’arrêt de la Cour de Tizi-Ouzou qui a rejeté l’action en revendication d’un terrain introduite par l’appelant détenteur d’un acte de propriété établi par un cadi-notaire au motif que cet acte est imprécis quant à la situation et aux limites du terrain litigieux. Pour la Cour suprême, combien même ces anciens actes sont imprécis ou vagues ,ils conservent toujours leur valeur d’actes officiels et opposables et il appartient au juge du fond si nécessaire d’user de son pouvoir d’ordonner toute mesure susceptible d’identifier les immeubles visés dans ces actes notamment par la désignation d’experts ou d’enquête.

- Les contrats de vente conclus dans le cadre de la promotion immobilière : contrat de vente - contrat de réservation - contrat de vente sur plans

La Cour suprême a eu à statuer sur la nature et les effets du  contrat de vente sur plans d’un immeuble ou fraction d’immeuble à construire ou en cours de construction signé entre le souscripteur et le promoteur immobilier dans le cadre de la  loi n° 11-04  du 17 février 2011 fixant les règles régissant l’activité de promotion immobilière.

La loi n° 11-04 du 17 février 2011 fixant les règles régissant l’activité de promotion immobilière a prévu plusieurs modes de mise en vente par un promoteur immobile  d’un bien immobilier construit ou d’un immeuble ou fraction d’immeuble à construire ou en cours de construction. Tous ces modes de mise en vente doivent faire l’objet d’un contrat dûment établi en la forme authentique c’est à dire un contrat rédigé par devant notaire enregistré et publié à la conservation foncière.

Tout d’abord le promoteur immobilier qui a achevé la réalisation  d’un ensemble immobilier et en possession du certificat de conformité peut en vertu de l’article 25  de  loi n° 11-04 conclure un contrat de vente avec un acquéreur moyennant le règlement du prix convenu. Dans ce cas ,le contrat de vente est établi en la forme authentique c’est à dire par devant notaire. La publication de l’acte de vente auprès de la conservation foncière emporte transfert de propriété du bien vendu. Même après la prise de possession de l’immeuble par  l’acquéreur et la délivrance du certificat de conformité, le promoteur immobilier demeure responsable en vertu de l’article 26 de cette loi  pendant 10 ans  à partir de la date de réception de l’immeuble vendu de la destruction totale ou partielle de cet immeuble  , et cette garantie qui par ailleurs est aussi prévue par l’article 554 du code civil s’étend même aux défauts  qui pourraient exister  dans cet immeuble et qui menace sa solidité et sa sécurité et ce alors même que la destruction proviendrait de vices du sol . Le promoteur immobilier est en outre  lié en vertu du même article 26 de loi n° 11-04  par  la garantie du parfait achèvement des travaux de réalisation pendant un délai d’un an.

En deuxième lieu les parties à la vente d’un bien immobilier réalisé par un promoteur immobilier peuvent recourir au contrat de réservation prévu  par l’article 27 de la même loi. Le contrat de réservation est le contrat par lequel un promoteur immobilier s’engage à livrer au réservataire, à son achèvement, un bien immobilier à construire ou en cours de construction, en contrepartie du versement par le réservataire d’une avance. Cette avance n’est pas versée au compte du promoteur mais elle est  abritée dans un compte ouvert au nom du réservataire auprès  du  fonds de garantie et de caution mutuelle de l’activité de promotion immobilière institué par l’article 13 du décret législatif n° 93-01 du 19 janvier1993 portant loi de finances pour 1993

La loi n° 11-04 a prévu une autre variété de contrats de vente d’un immeuble

ou fraction d’immeuble à construire ou en cours de construction . C’est le contrat de vente  sur plans. Le contrat  vente  sur plans emporte et consacre le transfert au souscripteur des droits sur le sol et de la propriété des constructions au fur et à mesure de leur réalisation par le promoteur immobilier. En contrepartie le souscripteur est tenu d’en payer le prix au fur et à mesure de l’avancement des travaux.

S’agissant du contrat de vente sur plans la Cour suprême a eu à répondre à la question qui fait débat à savoir si ce genre de contrat a valeur d’acte de propriété ou  s’il faut le compléter par un acte de vente en bonne et due forme établi par un notaire . Il arrive souvent que le promoteur immobilier et alors même que la  réalisation du bien immobilier  objet du contrat  sur plans est achevé s’abstient pour une raison ou une autre de finaliser l’acte de vente par la remise  à l’acquéreur du procès- verbal de prise de possession établi par devant notaire au vu du certificat de conformité  qui lui a été préalablement  délivré et ce conformément à l’article 39 de la loi n° 11-04.

Dans un arrêt en date du 7 juillet 2022 dossier n° 1383360 , la Cour suprême a statué sur une action intentée par un acquéreur d’un bien immeuble vendu sur plans contre le promoteur immobilier à l’effet de l’obliger à se présenter par devant notaire pour l’établissement du contrat de vente définitif. Pour les juges de la cour d’Oran qui ont eu à statuer sur cette action en tant que juridictiond’appel , cette action est infondée au motif que le contrat de vente définitif ne peut être établi que sur présentation du certificat de conformité. La cour Suprême a tout d’abord censuré les motifs erronés  la cour d’Oran  en jugeant que le contrat sur plans constitue en lui-même un acte de propriété du moment qu’il a été conclu par devant notaire et publié à la conservation foncière mais à la seule condition qu’il soit complété par  un procès-verbal de prise de possession du bien  établi par le même notaire ,   et par conséquent en cas de refus du promoteur immobilier de finaliser l’acte de vente par la remise juridique du bien vendu , l’acquéreur doit l’assigner devant le tribunal non pas aux fins d’établir l’acte de vente définitif mais simplement pour qu’un procès-verbal de prise de possession du bien soit établi par le notaire , le contrat sur plans déjà remis à l’acquéreur valant  acte de propriété  .

 Litiges portant sur l’immatriculation des immeubles au livre foncier

En matière de litiges consécutifs à  l’immatriculation d’un   immeuble ou d’un droit immobilier au livre foncier, la loi distingue entre l’immatriculation (ou l’inscription) définitive et l’immatriculation provisoire. Si l’immatriculation de l’immeuble est définitive ce qui implique la remise au propriétaire du livret foncier portant cette mention, l’annulation ou la modification de cette immatriculation définitive (ou du livret foncier) sera de la compétence du tribunal  administratif. Par contre si cette immatriculation n’est que provisoire, la juridiction compétente pour annuler ou  modifier cette immatriculation est  le tribunal de droit commun en l’occurrence la section foncière du tribunal du lieu de situation de l’immeuble. En outre le tribunal ne peut être saisi de cette dernière action que si la contestation sur la propriété de l’immeuble objet de la demande d’immatriculation  ait été portée préalablement devant le conservateur foncier par voie d’opposition à cette immatriculation.

Cette procédure d’opposition à l’immatriculation ou à l’inscription d’un immeuble devant le conservateur foncier est prévu par l’article 15 du décret n° 76-63 du 25 mars 1976 relatif à l’institution du livre foncier. Elle consiste pour celui qui conteste la propriété de l’immeuble objet de la demande d’immatriculation provisoire à faire opposition à cette immatriculation devant le conservateur foncier. Une fois saisi de cette opposition, le conservateur procède à une tentative de conciliation entre les  parties .Si cette tentative de conciliation échoue, le conservateur dresse un procès-verbal de non conciliation. Une fois en possession du procès-verbal de non conciliation, la partie qui a contesté l’immatriculation peut alors saisir de son opposition la section foncière du tribunal et demander au juge de lui reconnaitre la propriété de l’immeuble objet de l’immatriculation contestée et par conséquent annuler cette immatriculation. De son coté, l’autre partie destinataire elle aussi d’une copie du procès-verbal de non conciliation peut saisir le tribunal à l’effet de lever l’opposition. 

En application des dispositions de  l’article 15 du décret n° 76-63 du 25 mars 1976, certaines juridictions considéraient  que la procédure de conciliation préalable devant le conservateur est d’ordre public et par conséquent , si l’action devant le tribunal est introduite sans que le  procès-verbal de non conciliation n’ait été versé au dossier, cette action est déclarée irrecevable d’office. Le problème est que très souvent les oppositions présentées devant les conservateurs fonciers ne sont pas examinées par ces derniers  ou restent en suspend ce qui pousse les intéressés à porter le litige directement devant le tribunal  sans présenter le  procès-verbal de non conciliation établi par le conservateur foncier. Bien que ces justiciables excipent devant le tribunal de la preuve qu’ils ont saisi le conservateur foncier d’une opposition mais en vain, les tribunaux et même les cours d’appel déclarent  leurs actions irrecevables.

Il est évident que cette jurisprudence unanime des juridictions inferieures est préjudiciable aux justiciables qui pour certains se voient spoliés de leurs immeubles  par des personnes de mauvaise foi qui profitent des erreurs commises par les agents du cadastre lors des opérations cadastrales pour s’approprier les biens d’autrui. Cette jurisprudence est d’autant plus critiquable que la faute originelle incombe non pas au justiciable mais au conservateur qui néglige de statuer sur les oppositions qui lui sont présentées. Aussi la Cour suprême dans un  précédent arrêt en date du 16 septembre 2021 dossier n° 1324283 a mis un  terme à cette fâcheuse jurisprudence  en jugeant que la non  présentation du  procès-verbal de non conciliation établi par le conservateur foncier ne constitue  pas un obstacle à la recevabilité de l’action en justice du moment que le demandeur a présenté au juge la preuve qu’il avait préalablement à cette action présenté son opposition à l’inscription provisoire de l’immeuble litigieux devant le conservateur foncier qui ne l’a pas examiné. Elle a jugé que du moment que le demandeur n’est pas responsable de la non remise du procès-verbal de non conciliation et que c’est le conservateur foncier  qui est fautif en ne répondant pas dans un délai raisonnable à l’opposition dont il a été saisi , l’action intentée devant le tribunal doit être déclarée recevable nonobstant la non production du  procès-verbal de non conciliation .

Cet arrêt de la Cour suprême  on l’aura compris est d’une importance cruciale et met un terme à la jurisprudence des juridictions inferieures qui a causé d’énormes préjudices  aux justiciables. Cette jurisprudence erronée des juges du fond  a eu aussi pour conséquence la transformation de l’inscription provisoire en inscription définitive du moment que d’une part la partie adverse qui s’est peut-être indument accaparée  l’immeuble litigieux peut se prévaloir du jugement rendu en sa faveur et d’autre part le délai de deux ans fixé par la loi pour que cette transformation  soit acquise de droit a dû expirer.

Dans son dernier arrêt en date du 4 mai 2023 dossier n° 1404430 , la Cour suprême  a aussi mis fin en cette matière à une jurisprudence de certaines juridictions inferieures aussi nocives que celle précédemment exposée. Ces juridictions rejettent en la forme des oppositions à l’immatriculation provisoire d’immeuble en s’appuyant sur une   interprétation erronée de la disposition de loi qui fixe le délai légal durant lequel doit intervenir cette oppossion.En vertu de l’article 15 alinéa 5 du décret 93-123 du 19 mai 1993 modifiant et complétant  le décret  n° 76-63 du 25 mars 1976 relatif à l’institution du livre foncier , la demande en justice tendant à l’ annulation de l’immatriculation provisoire d’un immeuble doit être introduite dans un délai de 6 mois  à compter de la notification aux parties du  procès-verbal de non conciliation établi par le conservateur foncier.

Bien que la disposition de article 15 alinéa 5 est on ne peut plus claire puisqu’elle fait courir le délai de 6 mois pour saisir le juge  à compter de la « la notification » du procès-verbal de non conciliation , certaines juridictions inférieures  rejettent des  actions tendant à l’annulation de l’immatriculation provisoire au motif que ces actions  on été introduites après l’expiration du délai de 6 mois qui  court à compter de la rédaction du  procès-verbal de non conciliation . L’arrêt  de la Cour suprême du 4 mai 2023 a censuré et cassé un arrêt de la cour de Bouira qui a fait courir le délai de 6 mois à compter de la date de rédaction du   procès-verbal de non conciliation au lieu de la date de notification de ce procès-verbal.

- Acte de promesse de vente d’immeubles

 Dans un arrêt daté du 2 février 2023 dossier n° 1421936, la Cour suprême  donne  son interprétation à la disposition de l’article 71 alinéa 2  du code civil  relatif à la forme de la promesse de vente. Conformément à cet article : «  La convention par laquelle les parties ou l’une d’elles promettent de conclure dans l’avenir un contrat déterminé, n’a d’effet que si les points essentiels du contrat envisagé et le délai dans lequel ce contrat doit être conclu, sont précisés. Lorsque la loi subordonne la conclusion du contrat à l’observation d’une certaine forme, celle-ci s’applique également à la convention renfermant la promesse de contracter ».

Dans l’affaire soumise au contrôle de la Cour suprême ,il s’agissait d’une promesse de vente d’un terrain  conclue par devant notaire dont le promettant refuse de conclute la vente définitive .Le bénéficiaire de la promesse de vente saisit la cour d’appel de Tipaza sur appel  à l’effet de voir le promettant exécuter sa promesse de vente en se présentant devant le notaire pour conclure la vente définitive. La cour de Tipaza rejeta la demande comme non fondée au motif que l’acte portant promesse de vente du terrain n’a pas été soumis à la formalité de  publicité à la conservation foncière. La Cour suprême a censuré et cassé cet arrêt  au motif que contrairement à la vente, la promesse de vente n’est pas soumise à la publicité foncière et que la formalité visée à l’article 71 du code civil   vise seulement la  rédaction de l’acte de promesse de vente par acte authentique c’est à dire par devant notaire .

- Prescription en matière de lettre de change

En application de l’article 461 du code de commerce «  toutes actions résultant de la lettre de change  contre l’accepteur  se prescrivent par 3 ans  à compter de la date de l’échéance ». Dans un arrêt en date du 29 septembre 2021 dossier n° 15342177 la Cour suprême a précisé les modalités d’application de la prescription triennale appliquée à la lettre de change. A cet effet elle distingue entre la lettre de change en tant que titre  exécutoire   et la lettre de change en tant qu’élément de preuve d’une créance. Si  l’action intentée contre l’accepteur de la lettre de change tend  à le voir condamner à exécuter la lettre de change , cette action doit être engagée dans le délai de 3 ans sous peine de rejet. Par contre si la lettre de change est versée au dossier en tant qu’élément de preuve de l’existence de la créance, le défendeur  ne peut exciper de la prescription triennale de la lettre de change dont il est l’auteur , car dans ce cas c’est la prescription de droit commun c’est à dire la prescription de 15 ans qui est applicable.

 

- Exécution en Algérie des contrats de crédits et des billets à ordre établis dans un pays étranger

En conformité avec sa jurisprudence antérieure , la Cour suprême a jugé qu’à l’instar de tous les actes et titres authentiques établis dans un pays étranger qui  ne peuvent être exécutés sur l'étendue du territoire algérien qu'autant qu'ils ont été déclarés exécutoires par les juridictions algériennes , les conventions de crédits et les billets à ordre établis à l’étranger sont soumis à la formalité de l’exequatur.

Dans son arrêt daté  du 29 décembre 2022 dossier n° 156447 , la Cour suprême a jugé que la cour d’Alger qui a annulé le jugement dont appel rendu par le tribunal de Hussein Dey a fait une bonne application de la loi en rejetant l’action  tendant à confirmer une ordonnance de saisie conservatoire sur des parts d’une société commerciale basée en Algérie rendue au titre de créances dues en exécution d’un contrat de crédit et d’un billet à ordre établis à l’étranger. Pour la Cour suprême, à défaut d’exequatur , le contrat  de crédit ainsi que l’acte portant reconnaissance de la créance par le débiteur intervenus dans un pays étranger n’ont aune valeur juridique tant qu’ils n’ont pas été déclarés exécutoires par une  juridictions algérienne ,et par conséquent une juridiction algérienne ne peut être saisie à l’effet de rendre une ordonnance de saisie sur les biens du débiteur au seul visa de ces conventions non soumises préalablement à la formalité de l’exequatur.

- Révocation du gérant d’une société à responsabilité limitée

En application de l’article 579 du code de commerce, le gérant d’une  société à responsabilité limitée (SARL) est révocable par décision  des associés représentés par plus de la moitié du capital social , et toute clause  contraire est réputée non écrite. En outre et suivant le même texte, le gérant est révocable  par les tribunaux pour cause légitime à la demande de tout associé.

Dans le dossier traité par la Cour suprême dans son arrêt du 23 février 2023 dossier n° 1614774 , il s’agissait d’une action intentée par des associés dans une SARL tendant à faire annuler une décision de l’assemblée générale extraordinaire portant augmentation du capital social  de la société et révocation du gérant. La cour d’appel de Mila saisi sur appel annula la décision de l’assemblée générale au motif  que d’une part , les statuts de la société  stipule que le gérant ne peut être révoqué que   par voie de justice , et  que d’autre part  l’assemblée générale extraordinaire qui a décidé de l’augmentation du capital social   ne s’est pas réuni sous la présidence  du gérant ou du directeur comme stipulé par les mêmes  statuts.

Il était incontestable que l’arrêt de la cour d’appel de Mila est pour le moins étrange  du fait que la disposition de l’article l’article 579 du code de commerce est d’une clarté aveuglante puisqu’il dispose expressément que le gérant d’une SARL est révocable par décision des associés représentés par plus de la moitié du capital social et toute clause contraire est réputée non écrite. L’article 14 des statuts de la SARL ayant violé l’article 579 du code de commerce en interdisant la révocation du gérant par les associés majoritaire ,cet article 14 doit être déclaré comme non écrit , et par conséquent la cour de Mila aurait dû simplement vérifier que le gérant a été révoqué en vertu d’une décision de la majorité des associés ce qui était le cas dans le cas d’espèce puisque cette décision a été prise par les associés représentant 80% du capital social et par conséquent la cour aurait dû  rejeter la demande d’annulation des décisions de l’assemblée générale extraordinaire .C’est dans ce sens qu’a statué l’arrêt de la Cour suprême  du 23 février 2023 qui a censuré et cassé l’arrêt de la cour de Mila.    

- Problématique de la traduction des documents rédigés en langue étrangère

Dans un précédent article (https://www.brahimi-avocat.com/blog/l-arabisation-du-secteur-de-la-justice-ou-peut-on-faire-l-impasse-sur-l-enseignement-du-francais-retrospective.html) il a été traité de la problématique induite par    l’article 8 du code de procédure civile et administrative  qui  oblige tout justiciable à ne présenter devant le juge algérien que les documents rédigés en langue arabe ou accompagnés d’une traduction officielle ,et ce sous peine d’irrecevabilité. La mise en œuvre de cette disposition applicable même aux documents officiels rédigés en français et émanant d’institutions et organismes officiels algériens met  les justiciables à rude épreuve notamment quant aux frais parfois faramineux induits par l’opération de traduction. Dans certains litiges, à l’instar du contentieux des marchés publics ou du contentieux bancaire et financier  où de volumineux documents comptant parfois plus de 100 pages sont toujours rédigés en français et devraient donc être traduits si le justiciable doit les exciper à l’appui de son action en justice , ce qui on s’en doute n’est pas évident pour certains justiciables à revenus modestes et ce alors même que les frais de traduction sont en pratique exclus du bénéfice de l’assistance judiciaire.

Pour tempérer un tant soit peu ce dilemme, la Cour suprême tente par divers subterfuges juridiques d’écarter cette formalité de la traduction en incitant les juges du fond à recourir aux pouvoirs que leur confère la loi. Dans son arrêt daté du 8 septembre 2022 dossier  n° 1572725 , la Cour suprême  a d’abord jugé que la production de documents rédigés en langue étrangère non accompagnés d’une traduction officielle   aura pour effet non pas le rejet de l’action comme étant non fondé ,mais seulement une irrecevabilité de l’action. En outre elle a jugé  qu’au lieu de prononcer l’irrecevabilité de l’action , il appartient au juge qui se doit de jouer un rôle positif  dans le déroulement de l’instance, de recourir aux larges  pouvoirs que lui confère la loi ,notamment ordonner à la partie concernée de produire une traduction officielle en langue arabe du document excipé rédigé en langue étrangère  et ce en application de l’article 27 du Code de procédure civile et administrative , ou encore  ordonner à cette même partie de régulariser l’acte entaché de nullité en produisant une traduction du document en cause et ce en application de l’article 62 du même code. Dans un précédent arrêt ( arrêt du 5 mai 2016, dossier n° 0980947) la Cour suprême  a appliqué ces mêmes principes en jugeant que la production de documents  rédigés en langue étrangère non accompagnés d’une traduction  officielle aura pour effet non pas le rejet  de l’action comme étant non fondée mais seulement son irrecevabilité   , et qu’en outre le juge ne doit pas prononcer cette irrecevabilité d’office mais doit être présentée par la partie concernée ,et qu’en tout été de cause l’exception d’irrecevabilité ne doit pas être retenue si la partie qui s’en prévaut est elle-même l’auteur et le rédacteur du document rédigé en langue étrangère.

Maitre BRAHIMI Mohamed

Avocat à la cour de Bouira

brahimimohamed54@gmail.com