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Analyse de certaines mesures de la loi de finances pour 2025

mohamed brahimi Par Le 01/01/2025

Finances

La loi de finances pour l’année 2025 vient d’être  publiée au journal officiel n° 84  du 26 décembre 2024  . En sus des mesures fiscales et  budgétaires  traditionnelles , elle prévoit de nouvelles mesures notamment en matière du livret foncier et  d’immatriculation des immeubles , de leur mise en conformité ou des modalités  de leur cession , des transactions  à effectuer   par des moyens  autres que l’espèce,des conditions de cessibilité des véhicules de moins de trois ans importés ou encore de la régularisation des cessions d’actions ou de parts sociales à un étranger.  

Institution du livret foncier électronique

L’article 165 de la loi de finances pour 2025 modifie l’article 18 de l’ordonnance n° 75-74 du 12 novembre 1975 portant établissement du cadastre général et institution du livre foncier.Le livret foncier ,qui reproduit toutes les annotations du fichier immobilier ,est délivré au propriétaire de l’immeuble à l'occasion de la première formalité. Le  livret foncier  est établi par la conservation foncière du lieu de situation de l’immeuble sous forme papier. En vertu de  l’article 165 de loi  finances pour 2025 , le livret foncier électronique peut désormais être établi par voie électronique .Dans ce cas , le livret foncier électronique doit comporter en sus des annotations du fichier immobilier , les données graphiques  relatives à l’immeuble. Le même article prévoit la publication d’un texte réglementaire qui fixera la forme et le contenu du livret foncier électronique ce qui suppose que cette disposition  législative n’est pas d’application immédiate.

Facilitation des modalités d’immatriculation des immeubles

L’article 166 de la loi de finances pour 2025  a modifié  et complété  dans un sens favorables aux propriétaires d’immeubles les procédures d’immatriculation prévues  par l’article  23 bis de l'ordonnance n° 75-74 du 12 novembre 1975  portant établissement du cadastre général et institution du livre foncier .

Auparavant , au cas où un immeuble situé dans une  zone cadastrée n’a pas été immatriculé au nom du propriétaire légitime pour une raison ou une autre et ce alors même que ce propriétaire  détient un titre prouvant sa propriété ou qui exerce une possession valant prescription acquisitive , les conservateurs fonciers  refusent de délivrer le livret foncier et  dirigent systématiquement  les requérants à intenter une action devant la juridiction compétente  à l’effet de provoquer cette immatriculation et  ordonner la délivrance du livret foncier , ce qui on s’en doute cause des désagréments notamment en termes de frais de justice et ce alors même qu’il n’est  pas sûr que le  tribunal rende une décision favorable .

Désormais et en vertu  de l’article 166  de la loi de finances pour 2025  modifiant et complétant l’article 23 bis de l'ordonnance n° 75-74 du 12 novembre 1975 portant établissement du cadastre général et institution du livre foncier le conservateur foncier , sur réquisition du propriétaire , doit procéder  à l’immatriculation de l’immeuble revendiqué à la condition que ce dernier excipe  d’un titre de propriété publié ou d’un certificat de possession publié, ou d’un titre faisant foi à l’égard des tiers comme preuve de propriété immobilière  ou d’un acte administratif enregistré  ou  encore  sur la base de l’exercice d’une possession et ce après vérification et enquête auprès des services des domaines. 

Une fois l’immatriculation intervenue, celle-ci sera définitive pour les immeubles dont les propriétaires détiennent des titres de propriété publiés ou encore  pour les  immeubles dont les propriétaires détiennent le certificat de possession publié si la possession a atteint la durée prévue par la loi c’est à dire en principe une durée de 10  ans prévue pour la prescription acquisitive courte de l’article 828 du code civil  . Par contre cette immatriculation restera provisoire pour la période et les cas prévus à cet effet .Elle restera provisoire pendant une durée de 4 mois si les propriétaires detiennent un certificat de possession depuis moins de 10 ans ou  qui détiennent des titres admis pour l’administration de la preuve du droit de propriété immobilière ou d’actes administratifs enregistrés. Si le  propriétaire exerce sur  l’immeuble  une possession qui lui permet de revendiquer  la prescription acquisitive c’est à dire une possession continue , paisible et publique pendant plus de 15 ans , le conservateur foncier procèdera à l’immatriculation provisoire dudit immeuble pour une durée de 2 ans.  

Un autre problème que rencontre très souvent les propriétaires d’immeubles et qui engorge les tribunaux  est celui où l’immeuble a été immatriculé par erreur  au nom de l’Etat. Quant bien même ces propriétaires détiennent des titres de propriété  sur ces immeubles , les conservateurs fonciers refusent de procéder  à la rectification de cette immatriculation et dirigent les concernés à saisir les instances judiciaires en l’occurrence le tribunal administratif qui est compétente en cette matière .Désormais , le même article 166 la loi de  finances  pour 2025 a  mis un terme à cette situation préjudiciable aux propriétaires d’immeubles en imposant aux conservateurs fonciers de procéder à la régularisation des biens immobiliers immatriculés par erreur au compte de l’Etat au nom des véritables propriétaires sans recourir aux instances judiciaires. Pour que le conservateur puisse procéder à cette régularisation, le propriétaire du bien immobilier doit disposer  suivant les cas de titres publiés, de certificat de possession publié, de titres admis pourl’administration de la preuve du droit de propriété immobilière légalement reconnu ou d’actes administratifs enregistrés après vérification de leur authenticité et enquête auprès des services des domaines. Par contre s’il s’avère des résultats de l’enquête que l’immeuble revendiqué est propriété de l’Etat ou des collectivités locales, il est immatriculé immédiatement et définitivement conformément aux résultats de l’enquête.

Régularisation des surplus de terrain intégrés  dans les lots cédés par les communes aux particuliers  

Très souvent lors des opérations cadastrales , les services du cadastre constatent  qu’une parcelle de terrain domaniale ,c’est à dire appartenant à l’Etat ,a été intégrée en vertu d’un permis de lotir publié à un terrain cédé dans le cadre de l’ordonnance n° 74-26 du 20 février 1974 portant constitution des réserves foncières au profit des communes ou tout autre cadre juridique et que ladite parcelle a été cédée en lots à des particuliers en vertu d’actes publiés . Il était alors très difficile aux propriétaires  des lots ainsi cédés  de régulariser la situation de la parcelle de terre intégrée à leurs lots ce  qui a créé  un important contentieux que  les juridictions abordent  différemment ce qui a généré une jurisprudence instable  préjudiciables  aux propriétaires à qui a été refusée la régularisation de leurs terrains et  la délivrance du livrer foncier.

L’article 170 de la loi  de finances pour 2025 a mis un terme à cet imbroglio administratif  et judiciaire  en instaurant  un procédure à même de régler définitivement  ce problème  sans recourir aux instances judiciaire. En application de  ce article :« Lorsqu’il est constaté, lors des opérations cadastrales, qu’une parcelle de terrain domaniale a été intégrée en vertu d’un permis de lotir publié, à un terrain cédé dans le cadre de l’ordonnance n° 74-26 du 20 février1974 portant constitution des réserves foncières au profit des communes ou tout autre cadre juridique et que ladite parcelle a été cédée en lots à des particuliers en vertu d’actes publiés, le service chargé du cadastre et de la conservation foncière procède à la délimitation et à l’inscription des lots en cause au nom des titulaires de ces actes   ». Dans ce cas , ces lots font  l’objet d’une immatriculation  définitive au livre foncier au nom des personnes inscrites à la matrice cadastrale et ce après paiement du prix de cession  du surplus de terrain .L’immatriculation ainsi opérée  donnera  lieu alors à l’établissement et à la délivrance d’un livret foncier au titulaire de l’acte.

Mise en conformité des constructions non achevées

Il était question ces derniers temps de la volonté des pouvoirs publics de mettre enfin un terme  de manière ferme et définitive au fléau des  bâtisses inachevées qui dénaturent le tissu urbain. Cette volonté  contraste avec la disposition de l’article 212 de la loi de finances pour 2025 qui à  prorogé une énième fois le délai prescrit aux propriétaires pour  mettre en conformité leurs constructions en vue de leur achèvement .Ce délai est prorogé jusqu’a 31 décembre 2025.On peut penser qu’au vu  de  l’implication  personnelle du Président de la République   dans ce dossier épineux , il s’agit là d’un dernier et ultime délai consenti  aux propriétaires des bâtisses inachevées avant l’application de mesures coercitives.

 Il va de soi que la première  mesure à prendre pour pallier au plus pressé est de réduire  un tant soit peu cette cacophonie urbaine consiste simplement à  appliquer la loi n° 90-29 du 01 décembre 1990 relative à l’aménagement et l’urbanisme et ses textes d'application en l’occurrence interdire toute occupation d’une construction en l’absence du permis de conformité  ou tout au moins interdire comme mesure préliminaire  la location des locaux situés dans ces bâtisses. Cette mesure a d’ailleurs été préconisée en 2016 mais jamais appliquée.

Obligation d’effectuer certaines transactions par des moyens  autres que l’espèce

A compte du 26 décembre 2024 date de publication au journal officiel de la loi portant loi de finances pour l’année 2025  , certaines transactions doivent désormais être effectuées par des moyens autres que l’espèce à travers les circuits bancaires et financiers (virements, chèques, cartes bancaires… ). Il s’agit des  transactions immobilières des immeubles bâtis et non-bâtis , des opérations de vente réalisées par les concessionnaires et distributeurs de véhicules et engins et équipements industriels,  des achats de yachts et de bateaux de plaisance  et des polices d’assurance obligatoires.

L’article 207 de  la loi de finances de 2025 qui instaure cette mesure précise que les modalités d’application de cet  article seront  fixées par voie réglementaire. Cette précision pose la question de la mise en œuvre de cette nouvelle mesure. Est-relle d’application immédiate ou faudrait-il  attende la publication du texte réglementaire. En outre , si cette mesure a été instaurée pour  renforcer la transparence financière  et la lutte contre le blanchiment d’argent et la fraude, elle pose des défis majeurs pour les personnes dépourvues de compte bancaire ou postal.

Régularisation des cessions d’actions ou de parts sociales à un étranger 

L’ancienne législation a instauré à côté de la règle 49/51 qui  limitait la participation de l’investisseur étranger à 49 % du capital social ,  un droit de préemption  de l’Etat pour les cessions  d’actions ou de parts sociales  réalisées  par ou au profit d’investisseurs étrangers. Ainsi toute cession d’actions ou de parts sociales à un étranger est subordonnée à peine de nullité à la présentation d’une attestation de renonciation à l’exercice du  droit de préemption délivrée par les services compétents qui doit être demandée par le notaire  chargé de rédiger l’acte de cession et ce conformément à l’article 46 de l’ordonnance n° 10-01 portant loi de finances complémentaire  pour l’année 2010.  Ces deux mesures  discriminatoires et contre productives ont été supprimées par l’article 53 la loi  n° 20-07 du 4 juin 2020  portant de finances complémentaire  pour l’année 2020.

Avant la promulgation de  la loi  n° 20-07  ,  des  cessions  d’actions ou de parts sociales  réalisées  par ou au profit d’investisseurs étrangers ont pu être réalisées en  l’absence d’une présentation  d’une attestation de renonciation à l’exercice du  droit de préemption  délivrée par les services compétents ce qui par conséquent rend ces cessions nulles et non avenues. La loi de finances pour l’année 2025 prévoit une régularisation de ces cessions frappées de nullité et ce à titre transitoire jusqu’au 31 décembre 2026.Par contre cette régularisation ne s’applique pas aux cessions d’actions ou de parts sociales détenues dans le capital social d’une société  relevant d’un secteur stratégiques ou d’investissements structurants.

Maitre BRAHIMI Mohamed

Avocat à la cour de Bouira

brahimimohamed54@gmail.com

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